29 mai 2006
corps étrangers
Benasayag opère par exemple un rapprochement intéressant entre notre conscience (illusoire) d'être un moi unitaire et le fonctionnement de nos mécanismes immunitaires.
Encore plus étonnants peuvent paraître certains mécanismes visiblement très éloignés de la conscience et de la mémoire, comme ceux relevant de l'immunologie. Comment est-il posible que nos anticorps, nos mécanismes immunitaires soient capables de reconnaître des corps étrangers à notre corps ? Quelles sont donc les bases de l'unité d'un corps , d'une colonie de cellules, ou de la colonie de fourmis dont nous parlions plus haut ? L'idée qu'il existerait, par exemple, un « soi » immunologique est au moins aussi intéressante ou mystérieuse que celle selon laquelle il y aurait une individuation psychique. [...]
Or l'unité immunologique ne relève pas d'une simple distinction entre le soi et le non-soi comme s'il s'agissait là de deux entités à tenir à l'écart. Le système immunitaire est un système éminemment dynamique, qui se maintient en permanente interaction interne, recevant sans arrêt des stimuli qui proviennent de lui-même. Ainsi, quand une molécule étrangère n'est pas reconnue comme ayant la « carte du club », elle interfère, tout simplement, dans le fonctionnement du système lymphoplasmocytaire. Ne pouvant interagir avec le système qu'elle aura pénétré, la molécule étrangère sera interprétée comme du « bruit » dans le système. [...]
Ainsi, dans l'exemple du fonctionnement du système immunitaire, il n'y a pas une réaction de feedback directe avec un corps étranger, mais un rapport au fonctionnement intérieur, au modèle autonome, lequel, une fois dérangé, essaiera de rétablir sa stabilité. Ce qui constitue l'élément central dans le mécanisme immunitaire, c'est le caractère autoréférentiel de son fonctionnement, le fait que la réaction immunitaire n'est pas le résultat d'une action que l'organisme déclenche pour se défendre d'un hôte indésirable (cela, c'est le récit en extériorité), mais la conséquence d'un automatisme du système qui cherche en permanence à garder, ou à rétablir, sa stabilité par une série de comportements simples du type essai/erreur, parmi lesquels peut ou non émerger la bonne « réponse ». [...]
Le système immunitaire se comporte donc de façon similaire à celle décrite par Varela au sujet du système nerveux central : « Il ne recueille pas mais impose une information à l'environnement. »
(La fragilité, p. 109-111)
Encore faut-il préciser que ces mécanismes immunitaires si efficaces parfois se dérèglent. Nos cellules tueuses alors se retournent contre nos propres cellules pour nous détruire, encore plus sûrement, quoique plus silencieusement, que les mécanismes (plus ou moins) conscients par lesquels nous sommes capables de nous détruire psychologiquement.
01:15 Publié dans conscience | Lien permanent | Commentaires (3) | Envoyer cette note
Commentaires
la conscience c'est quoi ? le moi c'est qui ? nous parlons peu du "nous", tu sais celui qui donne du sens aux "jeux" ? Ou sont passés ces fabuleux architectes du "nous" qui batissent sans craintes des cathédrales , des chateaux forts et des abris de paille sur des "je" d'anges heureux". Qu'ils sortent de deriere leur meutriere !
Amicalement
Simplet
Écrit par : simplet | 30 mai 2006
et "nous" ? c'est quoi ? c'est qui ? une illusion encore plus bancale que "je", il me semble, car fondée sur plusieurs illusions qui se croisent vaguement, parfois.
"nous" c'est par exemple les shadoks (cf mon post suivant) qui pompent en coeur ... parce qu' " il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas ".
Écrit par : cgat | 30 mai 2006
Fascinant !!
Écrit par : Papotine | 16 juin 2006
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