05 juillet 2006
les loopings des anges
Eh bien, dans le vol des anges je retrouvais la même impression d’action effective, littéralement réelle que m’avaient donné les gestes de la Charité ou de l’Envie. Avec tant de ferveur céleste, ou du moins de sagesse et d’application enfantines, qu’ils rapprochent leurs petites mains, les anges sont représentés à l’Arena, mais comme des volatiles d’une espèce particulière ayant existé réellement, ayant dû figurer dans l’histoire naturelle des temps bibliques et évangéliques. Ce sont de petits êtres qui ne manquent pas de voltiger devant les saints quand ceux-ci se promènent ; il y en a toujours quelques-uns de lâchés au-dessus d’eux , et comme ce sont des créatures réelles et effectivement volantes, on les voit s’élevant, décrivant des courbes, mettant la plus grande aisance à exécuter des loopings , fondant vers le sol la tête en bas à grand renfort d’ailes qui leur permettent de se maintenir dans des positions contraires aux lois de la pesanteur, et ils font plutôt penser à une variété disparue d’oiseaux ou de jeunes élèves de Garros s’exerçant au vol plané, qu’aux anges de la Renaissance et des époques suivantes, dont les ailes ne sont plus que des emblèmes et dont le maintien est habituellement le même que celui de personnages célestes qui ne seraient pas ailés.
Marcel Proust, Albertine disparue (À la recherche du temps perdu, Pléiade, IV, p. 227)
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Commentaires
c'est ravissant - l'ange d'hier me faisait signe sans que j'arrive à dépasser une certaine familiarité
Écrit par : brigetoun | 05 juillet 2006
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