16 juillet 2006
le sans pourquoi de la joie
L'enfant, Chantal Thomas, comme Barthes, invite à le préserver en soi : se laisser aller aux émotions dans toute leur intensité, de la souffrance infinie au « sans pourquoi de la joie », privilégier le détour, la digression, la flânerie, qu'il s'agisse de lire Sade ou de se perdre dans une ville étrangère, conserver l'insolence, le mauvais esprit et la possibilité de rebellion.
Je ne suis pas particulièrement intéressée par l'évocation de souvenirs d'enfance. Je suis davantage attachée, intérieurement. à rester au plus près du point d'intensité dont ils émanent. Je vis avec la mémoire immédiate de certaines dispositions au mouvement, à l'envie de sortir jouer dehors, de rire, à l'esprit moqueur (au « mauvais esprit », comme disaient les maîtresses de l'école primaire)... et aussi de certaines situations. Je n'ai aucun effort à faire pour les retrouver. Dispositions et situations sont là, avec moi. Elles sont moi.
Chantal Thomas, Chemins de sable (Bayard, 2006, p. 16)
ou encore :
Si répondre est de la part d'un enfant un comportement d'insolence qui peut susciter une punition, ne pas répondre est une faute plus difficilement repérable. Ne pas répondre accorde un délai, permet de s'habituer à l'idée de la défaite et, surtout, de faire durer de quelques minutes supplémentaires le temps de jouer. Vécu dans la mauvaise foi, mais aussi dans l'exaltation du sursis, cet entre-deux d'une surdité feinte est l'apprentissage d'une liberté non de l'affrontement, mais de l'écart, du non-dit : le pire en regard de la morale des familles, de sa volonté de main-mise. L'affrontement, aussi violent soit-il, est une façon d'adhérer, de reconnaître une autorité...
Chantal Thomas, Comment supporter sa liberté (Rivages poche, 1998, p. 30-31)
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