robot mélancolique
Le Robot mélancolique, qui sait qu’il est robot, n’a plus de plaintes, n’a plus de cris. Il ne les ose plus, sachant maintenant qu’il est robot. Pourquoi crierait-il ? pourquoi ferait-il des histoires ? Henri Michaux, « Notes au lieu d’actes », Passages
pelote inextricable de l'intime
Pourquoi des conversations ? Pourquoi tant d’échanges de paroles des heures durant ? On revient s’appuyer sur un environnement proche et avec des proches s’entretenir de proches, afin d’oublier l’Univers, le trop éloignant Univers, comme aussi le trop gênant intérieur, pelote inextricable de l’intime qui n’a pas de forme. Henri Michaux, Poteaux d’angle
unicellulaire microscopique
Quand je ne souffre pas, me trouvant entre deux périodes de souffrance, je vis comme si je ne vivais pas. Loin d’être un individu chargé d’os, de muscles, de chair, d’organes, de mémoire, de desseins, je me croirais volontiers, tant mon sentiment de vie est faible et indéterminé, un unicellulaire microscopique, pendu à un fil [...]
anéantissante fatigue
L’extrême et anéantissante fatigue où m’amène assez vite toute activité et tout exercice, me retire assez considérablement du monde familier. Ce retirement devient une habitude. Retirement de soi hors des choses. Retirement des choses hors des autres choses l’entourant. Soustraction qui revient parfois à de l’analyse, quoique à cent lieues de l’être. Le cadre part [...]
approfondissante absence
Tu veux apprendre ce qu’est ton être? Décroche. Retire-toi en ton dedans. Tu apprendras tout seul ce qui est capital pour toi, car il n’est pas de gourou pour ce savoir que toutefois un enfant de cinq ou même de quatre ans peut de lui-même apprendre et pratiquer s’il en sent le besoin à la [...]
abîmes de nescience
Après quelque temps, toujours le « penser » s’arrête. Écrit, c’est ce qu’on appellera une pensée. C’est pourtant alors qu’il faudrait qu’elle soit continuée, mais il n’y a plus prise. Des abîmes de nescience la bordent, la précèdent, la suivent. D’inextricables contradictions, d’insurmontables incertitudes, enfin une impuissance totale. Si l’on insiste, des abîmes de rien. [...]
prendre en traître
La conscience, il faut avoir pris une drogue, pour savoir comme c’est peu, comme c’est rare, comme c’est facultatif, comme c’est peu indiqué, comme ça se met en travers, comme c’est peu « nous » et encore moins notre bien, conscient qui nous lie les mains, qu’il faut savoir dépasser, pour une conscience seconde, conscient [...]
bancs d'idées
Sans doute je me le disais autrefois, mais (est-ce la neurasthénie de guerre?) il me semble de plus en plus indubitablement sentir la ténuité de ces ruisselets grâce auxquels s’allument mes pensées vagues, si vite exténuées, en mon laboratoire poupin enfermé dans mon crâne. [...] Pourtant, c’est dans le moins de force que m’apparaissent toujours [...]
ne plus savoir penser
Comme le corps (ses organes et ses fonctions) a été connu principalement et dévoilé, non par les prouesses des forts, mais par les troubles des faibles, des malades, des infirmes, des blessés (la santé étant silencieuse et source de cette impression immensément erronée que tout va de soi), ce sont les perturbations de l’esprit, ses [...]
une zone d’ombre
L’examen de la pensée fausse la pensée comme, en microphysique, l’observation de la lumière (du trajet du photon) la fausse. Tout progrès, toute nouvelle observation, toute pensée, toute création, semble créer (avec une lumière) une zone d’ombre. Henri Michaux, Postface de Plume
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