agent pathogène
Pour une affection que les médecins guérissent avec les médicaments (on assure, du moins, que cela est arrivé quelquefois), ils en produisent dix chez les sujets bien portants, en leur inoculant cet agent pathogène plus virulent mille fois que tous les microbes, l’idée qu’on est malade. Marcel Proust, Le côté de Guermantes, À la recherche [...]
faites un exercice
Le vocabulaire scientifique console et protège le médecin. Il lui permet de continuer à mener une vie normale après avoir annoncé aux autres que la leur ne le serait plus jamais. Mais le vocabulaire scientifique peut aussi, tel un boomerang, se retourner contre celui qui l’emploie et le frapper en plein visage au moment où [...]
la face télégénique de la violence
Un paillasson. Et moi qui avais passé une partie de ma jeunesse au Café des Ormeaux à expliquer comment combattre le Capital par la pensée, moi qui m’étais toujours enorgueillie d’être un écrivain de la révolte, un écrivain qui violait la syntaxe, un écrivain qui saccageait le beau style pour en faire de la charpie, [...]
dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs
Que peut-on connaître du monde ? De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer ? Combien de centimètres carrés de la planète Terre nos semelles auront-elles touché ? Parcourir le monde, le sillonner en tous sens, ce ne sera jamais qu’en connaître quelques ares, quelques arpents : minuscules incursions dans des vestiges désincarnés, [...]
alternative nostalgique (et fausse)
Alternative nostalgique (et fausse) : Ou bien s’enraciner, retrouver, ou façonner ses racines, arracher à l’espace le lieu qui sera vôtre, bâtir, planter, s’approprier, millimètre par millimètre, son « chez-soi » : être tout entier dans son village, se savoir cévenol, se faire poitevin. Ou bien n’avoir que ses vêtements sur le dos, ne rien garder, vivre [...]
cette question de déménagement
XLI. Le port Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L’ampleur du ciel, l’architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement [...]
le mont Fuji tout proche
La question revint, et se précisa, ce qu’il fichait là, dans la ville ? Si c’était d’un japon champêtre qu’il s’était amouraché, avec ses monts brumeux et ses sentiers déserts, ses bords de mer et ses pruniers, que ne battait-il la campagne ? La cherté des transports et la médiocrité de sa débrouillardise étaient-elles de simples prétextes ? [...]
d'aise, il soupira
Ce n’était pas un stylite dans son désert, ni un ermite dans sa forêt, il était à Tôkyô par un bel après-midi de juin et, soit volonté soit caprice, il hurlait ces simples mots : Rien à foutre de la réalité. Il s’appelait E.T.A. Hoffmann, comme le poète, ses amis l’appelaient Ernst ou Theodor, jamais Amadeus, [...]
tout à fait libérée
Je m’appelle Suzanne, j’ai cinquante-deux ans. Cela fait bien trente-cinq ans que je travaille. Douze ans dans ce bureau. Et voilà qu’on me voit assise sans bouger sur un banc à huit heures du soir. Et ça fait combien de temps que je me suis mariée ? dit Suzanne. Cela fait bien trente ans. Oui. Cela [...]
même des contrées à venir
Écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir. Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérimentation en prise sur le réel. La carte ne reproduit pas un inconscient fermé sur lui-même, elle le construit. (…) La carte est ouverte, elle [...]
« go back — keep looking »