que l’imagination devienne intelligible

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Paris, le 18 octobre 1977, 9h
(…) Je me suis soudain rendu compte, à la façon inconsciente dont ce film est en train de naître, qu’il n’aboutira jamais à rien si je ne le guide pas. En d’autres mots, le moment est venu d’organiser les idées et seulement elles. De transformer tout ce qui est instinctif en réflexion. De penser à l’histoire en termes d’articulation de scènes, de début, de fin, bref de structures. Il faut que l’imagination devienne intelligible (j’allais dire comestible), il faut l’aider à se trouver un sens. Barthes dit que le sens d’une œuvre ne peut pas lui venir d’elle-même, que l’auteur ne peut produire que des présomptions de sens, des formes si l’on veut, et que c’est le monde qui les remplit.
Mais comment Barthes fait-il pour compter sur une entité aussi instable que le monde ?
Michelangelo Antonioni, « Le périlleux enchaînement des événements », Ce bowling sur le Tibre (1976) (Images modernes, 2004, p. 87-88)

à propos de Barthes, Antonioni écrit aussi :

On était très amis. Il a écrit un bref texte, Cher Antonioni, qui est peut-être la chose la plus belle qui ait été écrite sur moi. C’était un être tellement sensible et doux. Barthes n’était pas seulement un homme de culture, c’était vraiment un artiste ; ses essais sont pleins d’intuitions poétiques. Et c’était là son problème, dans le fait qu’il ne pouvait pas être seulement un essayiste.
Michelangelo Antonioni, Écrits (1991) (Images modernes, 2003, p. 173)