La Route des Flandres (collage) (2001)
Claude Simon. La Route des Flandres
Édition originale, 1960 (15 septembre). Paris : Les Éditions de Minuit. 314 p., in-8° (188 x 140 mm).
Bibliothèque nationale de France [Réserve des livres rares – Rés. P. Y2. 3230]
Exemplaire n° 1, l’un des quatre vingt-sept sur pur fil du Marais. En tête est monté un feuillet autographe, numéroté 92, correspondant aux p. 105-106 de l’édition.
Reliure doublée attribuable à Lucienne Thalheimer, veau vieux rose encadrant aux plats et au dos un feuillet de japon nacré couvert de collages, de croquis aux crayons de couleur et d’annotations à la mine de plomb par l’auteur.
Historique : Edmond et Suzanne Bomsel (envoi de l’auteur, daté du 29 sept. 1960) ; acquis en 1999 auprès d’un libraire parisien.
Le feuillet donné à Edmond Bomsel, son premier éditeur, pour couvrir les plats et le dos du premier exemplaire de luxe de La Route des Flandres, nous rappelle qu’avant d’être un nouveau romancier Claude Simon avait voulu être peintre, qu’il suivit les cours de l’Académie Lhote, puis pratiqua le collage et la photographie.
Une expérience du chaos – en 1940, son escadron de cavalerie fut décimé dans une embuscade et son colonel abattu – est transcrit dans La Route des Flandres en un récit lui-même polémique et chaotique. Le « cheval mort » désigné sur le feuillet de couvrure est la métaphore de la débâcle généralisée au sein de laquelle l’auteur tente, par l’écriture, de retrouver un ordre. Grâce à l’utilisation de crayons de couleur, qui singularisaient chaque personnage ou thème, il put organiser les « tableaux détachés » issus de sa mémoire.
Ce dessin-collage rend visible ce mode de composition : les croquis colorés renvoient à des épisodes clés, entre lesquels des flèches instaurent correspondances et oppositions. Concentriques, ils évoquent l’« œil du typhon » que constitue l’instant de la mort du capitaine. Les légendes rappellent les lignes de force du texte : à droite, on lit « la cours[e] et, au m[ilieu], l’embusca[de] », qui constituent le cœur du roman. Les trois figures collées placées en triangle identifient métaphoriquement Georges, le cavalier narrateur, le capitaine de Reixach, figé au centre dans la pose d’un soldat de plomb anachronique brandissant son sabre face à une mitrailleuse, et Corinne, l’éternel féminin, figurée en Vénus.
Christine Genin
Cette description a été publiée dans :
Trésors de la Bibliothèque nationale de France. Volume 2, Aventures et créations, XIXe et XXe siècles. Textes réunis par Antoine Coron, Marie-Odile Germain. Paris : Éditions de la BnF, 2001. 190 p. (Trésors de la Bibliothèque nationale de France, n° 2), p. 166