L’expérience du lecteur (1997)
Christine Genin. L’expérience du lecteur dans les romans de Claude Simon. Lecture studieuse et lecture poignante. Paris : Champion, 1997, 433 p. (Littérature de notre siècle ; 6)
Quatrième de couverture :
Claude Simon est considéré comme l’un des plus grands écrivains contemporains, mais il reste peu lu, tant il est d’usage de le présenter comme un auteur difficile, aride, voire illisible. Cet essai, qui adopte le point de vue du lecteur, montre qu’il est au contraire très facile de se laisser emporter par le flux d’émotion qui parcourt ses romans.
La lecture est en effet un plaisir ambivalent, qui possède deux pôles, l’un intellectuel et actif, la lecture studieuse, l’autre émotionnel et passif, la lecture poignante. Il est nécessaire de souligner l’importance de la lecture poignante, trop souvent niée par les auteurs critiques. L’émotion doit retrouver toute sa place dans le discours critique sur le roman.
L’écrivain, par son travail sur la langue et l’ensemble des caractéristiques thématiques et formelles qui constituent son style, restitue sa manière propre de voir la réalité, son expérience, que le lecteur peut partager. Il importe donc également de considérer le roman comme l’expression d’une conscience, en enrichissant cette notion de tout le contenu neurobiologique et cognitif qu’elle a acquis grâce à l’essor des sciences du cerveau.
Les romans de Claude Simon font ainsi entrer le lecteur dans son regard sur le monde visible ; ils reconstituent sa mémoire, dans son fonctionnement dynamique et associatif ; la construction du texte, enfin, est à l’image de sa construction mentale des connaissances et des émotions en un réseau cohérent.
Lire, c’est donc faire l’expérience intime et poignante de la conscience d’un autre. Lire c’est à la fois éprouver des émotions et exercer sa conscience critique.
Table des matières :
Introduction
La lecture est une expérience cognitive
Lecture studieuse et lecture poignante
Le plaisir de la lecture critique
Tentative de restitution d’une lecture
PREMIERE PARTIE : REGARDER
1 : L’ŒIL
L’œil vu
L’œil qui voit
L’œil blessé
L’œil qui blesse
L’œil dévorant
2 : LE REGARD
« Je veux voir »
« Comment était-ce ? comment savoir ? »
Raconter c’est voir
Le regard de la mémoire
Illusions
3 : FENETRES
La place de l’écrivain
L’ouverture sur le monde
L’effet de cadre
Du mouvement à l’immobilité
Les images
4 : MIROIRS, LE CORPS TEL QU’IL EST VU
Le corps encadré
Le corps morcelé
Le corps abîme
Le corps perdu
Le stade du miroir
Le corps de l’autre
5 : RIDEAUX, CE QUI NE DOIT PAS ETRE VU
Mises en scène du désir
Le corps qui ne doit pas être vu
Il n’y a rien derrière le rideau
Le mouvement du rideau
6 : BATAILLES, L’EXPERIENCE DE LA SOUFFRANCE
Un monde en souffrance
La guerre, les guerres
On ne peut dire la souffrance
Voir la souffrance : les batailles peintes
Le « réel panique »
Partager la souffrance
Partager une expérience
7 : LA CRUAUTE DU REEL
« Cruauté, crudité »
L’idiotie du réel
L’opacité du réel
La rencontre du réel
Transformer le réel
DEUXIEME PARTIE : SE SOUVENIR
8 : DES ROMANS AUTOBIOGRAPHIQUES ?
Des romans « à base de vécu »
De l’autobiographie à l’autofiction
La lecture autobiographique
9 : MEMOIRE ET CREATION
Le mouvement de la mémoire
« Chercher ? pas seulement, créer »
Du fonctionnement mémoriel au fonctionnement scriptural
La mémoire du lecteur
10 : PHOTOGRAPHIES DE RUINES
Une « mémoire qui voit »
Les images : « photographies de ruines »
Le travail de deuil
La mémoire des autres
La lecture comme « aide-mémoire »
11 : ARCHITECTURES DE LA MEMOIRE
Une « mosaïque lacunaire »
Le désordre de la mémoire
L’ « édifice immense du souvenir »
Strates et révolutions mémorielles
Les chemins de la mémoire
12 : UN TEMPS IMMOBILE
Présent, passé, futur
Le temps de la mémoire
La matière du temps
Le temps de la lecture
13 : GENESES
Le théâtre de la famille
Les femmes
Une recherche archéologique de l’origine et des origines
Du familial au romanesque
14 : L’IMMEMORIAL
« L’Histoire ne se voit pas »
La lecture de l’Histoire par le mythe
De l’oubli à l’indifférencié
La boue originelle
Le magma des mots
TROISIEME PARTIE : RECONSTRUIRE
15 : « TOUT SE DEFAIT »
Débâcles
Un réel et une conscience fragmentaires
Représenter le chaos
Et l’organiser
16 : L’ACACIA
L’arbre de mémoire
Le texte acacia : arborescences scripturales
La part du jeu
17 : JEUX DE CONSTRUCTION
« Avant d’écrire il n’y a rien »
« Arrangements, Permutations, Combinaisons »
La composition
La lecture est un jeu de construction
18 : TRANSPORTS ANALOGIQUES
Carrefours : les signifiants comme passages
« Comme si » : le transport métaphorique
La « nature métaphorique » de la langue
Lecture et courant analogique
19 : LA CONSTELLATION DES TEXTES
L’œuvre-constellation : autotextualité
Le cosmos des textes : intertextualités
Le lecteur et l’intertexte
20 : LA MUSIQUE DU TEXTE
Le « mot musical »
La pulsation de la phrase
Périodes
Le rythme de la conscience
Le rythme de la lecture
21 : LE SECRET DU TEXTE
La nostalgie du tableau
Le mur du livre
De l’opacité à l’illisibilité
Le plaisir de décrypter
Le plaisir du secret
CONCLUSION
La lecture est une expérience subjective
Lieux communs
Une connaissance éclairée par une émotion