Notice (auto)biographique (1989)
Claude Simon et Razaph, sa nourrice. Tananarive, 1914
Claude Simon. Notice (auto)biographique
Rédigée pour le Dictionnaire : Littérature française contemporaine de Jérôme Garcin. Paris : François Bourin, 1989, p. 401-403. Réédité sous le titre Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française par eux-mêmes, Paris, Mille et une nuits, 2004, p. 366-368. Notice reprise p. LXIX-LXXI dan Claude Simon. Œuvres, I. Paris : Gallimard, 2006. 1574 p. (Bibliothèque de la Pléiade ; 522)
Né le 10 octobre 1913 à Tananarive où se trouvent alors son père, officier de carrière, capitaine d’infanterie de marine, quatrième enfant d’un couple de paysans du Jura (hameau des Planches, près d’Arbois) et sa mère, appartenant à un milieu de gros propriétaires fonciers, résidant à Perpignan. Mariage considéré comme une mésalliance par la famille maternelle qui impose aux deux jeunes gens d’interminables fiançailles pendant lesquelles le futur père effectuera plusieurs longs voyages au gré de ses successives affectations, au Tonkin et à Madagascar.
Le couple rentre en France à la veille de la guerre et le père est tué au combat le 27 août 1914, près de Stenay (Meuse).
L’enfant est alors élevé à Perpignan par sa mère jusqu’à la mort de celle-ci, atteinte d’un cancer. Il a à ce moment onze ans et est placé comme interne au collège Stanislas, à Paris, sous la tutelle d’un cousin germain de sa mère, officier de cavalerie en retraite.
Études secondaires dans cet établissement religieux à la discipline sévère, mais délivrant un bon enseignement. Aptitudes moyennes en français (narration), en latin, puis en mathématiques, option qu’il choisira pour son baccalauréat obtenu à seize ans (messe quotidienne, confession hebdomadaire obligatoire, odeurs d’encre et de réfectoires, sports le jeudi : équitation, puis rugby, athlétisme – premier prix de gymnastique et de dessin). À quinze ans, voyage à Rome, puis séjours en Angleterre (Oxford et Cambridge où se donnent alors alternativement des cours d’été pour étudiants étrangers -. canotage, tennis). Se détache de la religion comme d’un fastidieux et contraignant fardeau, sans aucune angoisse ni crise de conscience. Renvoyé de Stanislas à la suite d’un chahut, il entre en Maths Sup au lycée Saint-Louis, puis abandonne.
Livré à lui-même, héritier d’une modeste fortune qui le dispense toutefois d’avoir à gagner sa vie, il mène celle-ci d’une façon paresseuse, suivant les cours de peinture de l’académie André Lhote jusqu’à son service militaire effectué comme simple cavalier au 311 dragons, à Lunéville, où l’ennui est cependant compensé par des plaisirs sportifs (cheval, tir). Libéré au mois d’octobre 1935, il se remet à peindre, acquérant peu à peu une culture d’autodidacte au hasard de ses lectures : découverte du surréalisme à travers la revue Le Minotaure, découverte de Kafka, Joyce, Faulkner, Conrad (auparavant, il a fait, avec tout d’abord un certain ennui, la connaissance de Proust qui, par la suite, prendra pour lui une importance majeure). Il s’oblige à la lecture de philosophes, mais sans grand succès, sauf peut-être Spinoza et Husserl, séduit chez le premier par l’ingéniosité de sa forme. Toutefois il les oublie presque aussitôt.
En septembre 1936, il se fait établir par un ami une carte du parti communiste et se rend à Barcelone alors aux mains des anarchistes. Premier contact avec la violence pure, l’odeur de mort. Il se perçoit confusément comme un imposteur et rentre en France après deux semaines. Resté en relations avec des membres de la C.N.T., il aide (ou se figure qu’il aide) à faire passer clandestinement en Espagne une cargaison d’armes, entrevoit alors le monde des trafiquants et des hors-la-loi. Intéressante expérience que son dilettantisme, son manque de véritables convictions et, partant, d’efficacité, ne lui font pas renouveler. Se remet à peindre. Voyage, fait le tour de I’Europe : Berlin sous les nazis, Varsovie et son ghetto, l’Union soviétique du nord au sud, (il se trouve à Moscou lorsqu’est fusillé Toukhatchevski), Istanbul, la Grèce, l’Italie du Nord (surtout Arezzo).
Commence à écrire (préciosités, fadaises). Poursuit cette existence oisive jusqu’à ce qu’il soit mobilisé le 27 août 1939 comme brigadier au 31e dragons avec lequel il participe à la bataille (ou plutôt à la retraite) de Belgique. Après l’anéantissement de son escadron et la mort de son colonel, il est fait prisonnier (Stalag IV B, à Muhlberg-am-der-Elbe – Saxe : travail forcé, faim, dysenterie, poux). S’évade en octobre 1940. S’installe alors en zone libre dans l’hôtel de famille, à Perpignan, où il se remet à peindre et à écrire (Le Tricheur). Il rend à l’occasion de menus services à la Résistance, mais en raison de son passé de pseudo-révolutionnaire il est suspecté par la Milice locale et, en danger d’être arrêté, il regagne en 1944 Paris où, pris dans un engrenage de relations, il héberge jusqu’à la Libération dans son appartement un centre de renseignements de la Résistance (M.L.N.) sous les ordres des colonels Vauban et Larry.
En 1945, il publie Le Tricheur aux éditions du Sagittaire dont il a connu l’un des propriétaires, Edmond Bomsel, collectionneur et amateur de peinture, réfugié à Souillac pendant l’Occupation.
À partir de là et à l’exception d’une longue maladie, il continuera à mener une existence partagée entre des tentatives de peinture et d’écriture.
En 1956, il fait par hasard la connaissance de Robbe-Grillet qui le persuade de publier son roman Le Vent aux éditions de Minuit, publication suivie, au cours des années cinquante à quatre-vingt, de neuf autres romans ne rencontrant qu’une audience des plus restreintes jusqu’à ce que le 17 octobre 1985 lui soit décerné le prix Nobel de littérature. Il réside à Paris, et une partie de l’année à Salses, dans les Pyrénées-Orientales.