regards
Je me souviens aussi des regards … des yeux de la Catherine d’Alexandrie du Caravage, de l’autoportrait du Dürer, du Christ rescuscité de Bramante, de la Maja, nue ou vêtue, de l’Amazone de Manet, des portraits de Raphaël, des nains des bouffons des servantes et des petites princesses de Velasquez …
– ce regard là, celui d’Un bar aux Folies-Bergères est peint par Manet : il est à Londres (Gallerie Courtauld) pas à Madrid –
… ce sont souvent des regards dans des visages qui accrochent le mien dans un tableau. C’est sans doute la raison pour laquelle je ressens souvent moins d’émotion devant les tableaux vides d’humains ou abstraits.
Je rattache, peut-être à tort, cette importance des regards dans la peinture au comportement des bébés d’hommes : avant même de voir vraiment, leurs yeux qui voient flou se tournent vers les visages et vers les yeux dans les visages. En naissant le bébé bouge la tête, cligne des yeux, plisse le front, cherche un regard humain, s’y plonge et trouve l’apaisement si ce regard est réceptif. Ce comportement stéréotypé est sans doute un instinct qui le rend capable de communiquer dès que possible afin d’être protégé et nourri. Pendant les premiers mois, le bébé continue d’être attiré surtout par les yeux ouverts et qui le regardent, et durant toute la vie, le cerveau humain traite différemment les visages et les autres objets.
Avec quels yeux des intelligences artificielles verraient-elles ? et, sans l’instinct du nouveau né, seront-elles sensibles aux regards dans les visages et dans les tableaux ? d’ailleurs iront-elles au musée ?