comme un polypier

et Marcel Proust écrit dans la Recherche :

Mais on ne s’afflige pas plus d’être devenu un autre, les années ayant passé et dans l’ordre de la succession des temps, qu’on ne s’afflige, à une même époque, d’être tour à tour les êtres contradictoires, le méchant, le sensible, le délicat, le mufle, le désintéressé, l’ambitieux, qu’on est tour à tour chaque journée. Et la raison pour laquelle on ne s’en afflige pas est la même, c’est que le moi éclipsé – momentanément dans le dernier cas et quand il s’agit du caractère, pour toujours dans le premier cas et quand il s’agit des passions – n’est pas là pour déplorer l’autre, l’autre qui est à ce moment-là, ou désormais, tout vous ; le mufle sourit de sa muflerie car on est le mufle, et l’oublieux ne s’attriste pas de son manque de mémoire, précisément parce qu’il a oublié.
(Albertine disparue, IV, p. 220-224)

J’avais bien considéré toujours notre individu, à un moment donné du temps, comme un polypier où l’œil, organisme indépendant bien qu’associé, si une poussière passe, cligne sans que l’intelligence le commande, bien plus, où l’intestin, parasite enfoui, s’infecte sans que l’intelligence l’apprenne, mais aussi dans la durée de la vie, comme une suite de moi juxtaposés mais distincts qui mourraient les uns après les autres ou même alterneraient entre eux.
(Le temps retrouvé, IV, p. 516)