abîmes de nescience
Après quelque temps, toujours le « penser » s’arrête. Écrit, c’est ce qu’on appellera une pensée.
C’est pourtant alors qu’il faudrait qu’elle soit continuée, mais il n’y a plus prise. Des abîmes de nescience la bordent, la précèdent, la suivent. D’inextricables contradictions, d’insurmontables incertitudes, enfin une impuissance totale. Si l’on insiste, des abîmes de rien. Des univers-rien. Il n’y a pas de pensée qui, continuée, n’aille ailleurs qu’à « rien ». Alors à bout, incapable, comme craie noire sur un tableau noir, elle ne peut rien rendre, rien faire. L’univers impensé se défend. Encore très, très, très peu de ce qui est, est pensable.
Henri Michaux, « Notes au lieu d’actes », Passages