prendre en traître
La conscience, il faut avoir pris une drogue, pour savoir comme c’est peu, comme c’est rare, comme c’est facultatif, comme c’est peu indiqué, comme ça se met en travers, comme c’est peu « nous » et encore moins notre bien, conscient qui nous lie les mains, qu’il faut savoir dépasser, pour une conscience seconde, conscient tantôt à endormir à contre-temps, tantôt à réveiller à contretemps, conscient qu’il faut apprendre à lâcher, quand il se montre et à ranimer quand il disparaît, que surtout dans les états exceptionnels des états parapsychiques ou presque miraculeux, il ne faut pas laisser disparaître, à moins que de se contenter là-dessus du savoir d’hommes sans doute extraordinaires mais aux idées préconçues, préreçues, prédirigées ; conscient enfin qui laisse échapper à peu près tous les mécanismes du mental normal, pourtant singuliers, extraordinaires, méconnus, que (si on tient à les détecter) il va donc falloir prendre en traître, et avec l’artillerie qui convient.
Henri Michaux, Connaissance par les gouffres