la revanche du serpent
Concernant cette peur irrationnelle devant les avancées scientifiques, soigneusement alimentée par nombre d’intellectuels et de politiques, Bernard Debré (dont les options politiques me séduisent moins, je le précise) publie un essai court mais tonique : La revanche du serpent ou la fin de l’homo sapiens (Le Cherche midi, 2006).
Les progrès actuels de la génétique ne peuvent que susciter des interrogations, de par leur ambivalence : ils sont porteurs à la fois de la promesse de l’amélioration de la condition humaine et d’effrayantes possibilités d’asservissement de l’homme par l’homme.
La vie serait-elle la vie sans ses paradoxes ? Ceux qui nous assaillent en ce début du XXIe siècle sont au moins la preuve que l’humanité, contrairement à ce qu’en pensent les pessimistes, n’est pas en voie d’extinction : jamais, de la naissance jusqu’à la mort, l’homme n’aura été, davantage qu’aujourd’hui, confronté au signe de contradiction ! Une contradiction à l’image du double mouvement caractérisant les progrès de la connaissance, et qui brusquement, fait voler en éclats la plupart de nos certitudes, dans l’ordre de l’infiniment grand comme dans celui de l’infiniment petit… (p. 7)
Comment ne pas comprendre, dès lors, l’immense désarroi qui s’empare de nos sociétés, face à cette transgression absolue ? Plus encore que la maîtrise de l’atome qui a offert à l’homme l’occasion d’accélérer comme jamais son développement matériel en même temps que le pouvoir absolu de s’autodétruire, celle, programmée, du génome, débouche paradoxalement sur un nouveau mystère. Qu’allons-nous faire de nous-mêmes ? Comment allons-nous utiliser, en conscience, ce que nous savons ? À quelles fins devons-nous et pouvons-nous enrôler la science qui n’est jamais qu’un moyen ? (p. 10)
L’Histoire, écrit-il « démontre que le savoir, jamais, ne s’est effacé bien longtemps devant le pouvoir » (p. 76). Se réfugier dans un intégrisme d’interdits est vain, car « le monde ne s’arrêtera pas à cause de l’angoisse ou du refus de le regarder en face… » (p. 58). Au moyen âge, l’église a tenté en vain d’interdire aux médecins de rechercher les causes des maladies en pratiquant la dissection, qui contrevenait au dogme de la résurrection des corps ; au début du XXIe siècle, criminaliser par exemple les recherches sur le clonage thérapeutique est tout aussi vain, et criminel.