champ de Narcisse

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(Deuxième inconférence)
J’aimerais, avant d’attaquer le vif du sujet, m’assurer d’une certaine loyauté de votre part, ne le prenez pas mal, j’aurais pu dire neutralité, j’aurais pu dire une fraternelle, fidèle étrangeté, c’est qu’il est parfois difficile, n’est-ce pas, de parler avec ceux qui ne lancent pas leur pensée, la font glisser, tourner sur soi, qui ne lancent pas leur pensée à la même distance du champ de Narcisse que soi, – ainsi croit-on parler d’un livre, d’un film, d’une pensée, venue à soi grâce à la rencontre d’un livre, d’un film, d’une pensée, pour comprendre, trop tard, qu’on n’a fait que troubler, attiser l’amour-propre de qui ou qui, ces moi, dont l’écoute, tension inquiète, n’est que démangeaison mimétique, vertige – ; … mais non, soyez sans crainte, je n’attaquerai pas les sujets dans le vif, si conversation il y a, je n’assaillerai pas, je ne tenterai rien, je resterai à l’abri, à couvert moi aussi, voyez, je suis tranquille, j’esquive, je fais comme vous, je n’approche pas, je glisse, très loin du vif, hors du sujet, du rien qu’on risque (c’est cela, dire), voilà, je me retire.

Florence Pazzottu, L’Inadéquat (le lancer crée le dé) (Flammarion, 2005, p. 39)

On peut lire le bel article sur ce recueil et la notice bio-bibliographique rédigés par Florence Trocmé pour son blog Poezibao, qui est aujourd’hui la référence sur la poésie. Le centre international de poésie Marseille propose aussi une notice sur Florence Pazzottu.