lost in translation
Le paradoxe spatio-temporel selon Calvino : au-delà d’une certaine distance, il n’y a plus de temps de réponse possible, surtout quand les corps célestes s’éloignent les uns des autres à la vitesse de la lumière. Dès lors, le message devient absolu, définitif – il devient une vérité, irrémédiable, perdue dans l’infini, hors d’atteinte.
Ce serait une autre version du fatal : chaque acte est irréversible, sans appel, ne pouvant être corrigé et s’éloignant de nous lumineusement dans le vide. Lost in translation.
Le problème est le même à l’échelle terrestre. Dans un univers où les individus s’éloignent irrésistiblement les uns des autres et où les choses dépassent en quelque sorte leur vitesse de libération, les messages ont de moins en moins le temps de faire retour. Ou bien nous sommes broyés comme des atomes dans un mouvement de contraction irrésistible, et dans ce cas, c’est l’hyperdensité qui fait qu’il n’y a plus de sens ni de message – ils ne peuvent plus s’échapper. Peut-être les deux mouvements, gravitationnel et antigravitationnel, se font-ils en même temps, et nous sommes à la fois de plus en plus loin les uns des autres, dispersés, désintégrés, et de plus en plus compactés, confondus, intégrés de force.
Jean Baudrillard, Cool mémories V : 2000-2004 (Galilée, 2005, p 137)