ce qui est, est ; le reste, faut voir.
Un nouvel opus de Jean Baptiste Botul, La Métaphysique du mou, est disponible depuis peu aux éditions des Mille et une nuits qui avaient déjà publié ses trois autres indispensables essais. Quelques extraits, en commençant par l’exergue :
Le drame de la philosophie moderne, c’est l’allégeance à l’écrit, la tyrannie du livre, le culte de l’œuvre, la toute-puissance des greffiers de la pensée. L’œuvre d’un auteur est sa pyramide, son catafalque. Le philosophe moderne ressemble à un pharaon qui oublierait de régner à force de contempler son futur tombeau, le tombeau des livres.
Lettre à Lou Andreas-Salomé, 6 octobre 1930. (p. 17)Une représentation assez adéquate de la conscience pourrait, éventuellement, être : une sorte de balle vide, confectionnée en vannerie. Autrement dit, une sphère creuse, tissée en joncs flexibles mais résistants. Ou en osier. Me documenter sur l’art de la vannerie. En tout cas, l’idée, c’est que l’intérieur, lieu de la conscience, est séparé de l’extérieur (le monde) par un tissage assez fort pour que les phénomènes rebondissent sur cette enveloppe, mais d’une imparfaite étanchéité. Il n’y a que Kant pour rêver d’être étanche. Ou les stoïciens. Les autres prennent leur parti (et c’est bien) d’être, dans un sens, perméables, et dans l’autre, d’avoir des fuites. (p. 19)
Je ressens une urgence d’inventaire : recenser les objets mous, et les classer. Mais ce serait évidemment une perte de temps. Mieux vaut relire Kant et travailler au corps le concept. Et d’abord, dissocier flexible et mou. Flexibilité s’oppose à rigidité, il n’y a pas d’antonyme strict à dureté : mollesse est sémantiquement déporté. Donc, aujourd’hui, et après réflexion, je forge le concept de mouité. Une bonne chose de faite. (p. 25)
De toute façon, l’ontologie est une impasse. On la résumerait en une assertion : ce qui est, est ; le reste, faut voir. (p. 74)
Jean-Baptiste Botul, La Métaphysique du mou (Mille et une nuits, 2007)
Puisque c’est dans Wikipedia, je pense qu’on peut l’écrire : Jean-Baptiste Botul (1896-1947) est un magnifique canular de Frédéric Pagès. Outre ses concepts certes fantaisistes mais néanmoins pertinents, Botul a été l’amant de Marthe Richard, Marie Bonaparte, Lou Andreas-Salomé, Marguerite Duras et Simone de Beauvoir, il a inventé le concept de valise à roulettes et Jean-Paul Sartre lui a piqué ses idées. Il a sa notice dans le catalogue de la BnF et son Association des Amis, créée par le NoDuBo (Noyau dur botulien).