les suivre les redessine
Ce qui n’a pas de chair ne peut être entamé ; ce qui a affecté l’âme ne l’a pas pénétrée – ni ne l’a marquée ; ce qui y demeure ce sont des lignes qui se perdent aussi loin qu’on les remonte : les suivre les redessine. (p. 7)
Œuvre est en soi, posée en soi par l’auteur entre l’auteur et lui-même. Œuvre est espace que se ménage l’auteur entre lui et lui. Qu’il n’est pas lui, tout ce lui, rien que ce lui-là, heureusement, – que l’œuvre soit le montre ; qu’il n’est pas pas lui, rien que non-lui, un tout autre-là, heureusement, – que l’œuvre soit d’un auteur le montre. Entre être et n’être pas, l’auteur, par l’œuvre, se ménage un délai, un suspens, une trêve. Entre les deux termes de l’impossible alternative il pose un lui qui y est. (p. 15)
D’où viennent les pensées qui ne sont pas des réflexions des souvenirs ou des jugements. Y a-t-il des pensées qui ne soient pas réflexions souvenirs jugement ou association des trois à divers degrés. Comment viennent les pensées si ce n’est pas d’un remuement, mélange de ces trois composants comme une main plongée dérange le contenu d’un sac de blé. Mais comment peut se faire cette réorganisation quelque infime sous l’effet de quelle impulsion de quel courant d’où venu. Est-ce du corps, d’un mouvement corporel qui déclencherait un réaménagement. (p. 67)
Marc Cholodenko, Glossaire (POL, 2007)
Marc Cholodenko est né le 11 février 1950 à Paris.
Ce Glossaire se compose d’une série de variations en prose où les mots donnent corps à un effort de définition de ce qu’est la conscience confrontée au réel, et dont la syntaxe et la ponctuation très singulières semblent engagées dans la tentative de (pour)suivre le cheminement de la pensée.