la bulle vide du saint-siège désormais vide

Le peuple m’a suffisamment comblée en m’appelant Pimpaccia et impia et putain de pape et suceuse d’Innoncent et vamp, vampiria et femme à sceptre et Didi un chasse-mouches, il m’a assez conchiée pour que je puisse lever une armée de Pasquins tout en merde et remplir d’un bout à l’autre le pont Saint-Ange et couper ainsi cette ville de hâbleurs de la bulle vide du Saint-Siège désormais vide d’où l’on veut me chasser. (p. 19-20)

Le pouvoir n’est que de gueule, de la créance d’autrui, le nom qu’on crie dans les rues , rien n’est plus important, quoi qu’on en dise, en mal ou en pis. La colère du peuple n’est rien, se solde avec trois sacs d’or un jour de fête, il est infect. Je n’ai jamais acheté aucun de mes lieutenants, je les ai vendus à eux-mêmes, à leur désir secret, à leur médiocrité, à leur mesure, leur ambition démesurée, et le besoin du maître était dans tous les corps que j’ai rencontrés.
Personne pour me dire pousse-toi de mon soleil.
La vie de cour est une marre puante, j’y ai plongé toutes mes grenouilles. (p. 34-35)

Si elle m’enlève le masque, cette ville de théâtre boursouflé, gonflée d’or et de stuc, hérissée de colonnes roides, de colonnes torses, gravées, plantées d’arcs à tout bout de champ grosse d’elle-même et de ses cirques innombrables, bouches et bouches de marbre purulentes, cette ville d’artifices avec sa grosse verrue dorée, sa perruque poudrée, le Vatican, je l’arrache, cette ville de carnaval continu, cette ville masque qui figura l’empire jusqu’à ce qu’il s’écrase, je l’arrache, cette ville masque que les papes remontèrent sur leur face sous les boucles de la coupole, le gros chapeau triple, la tiare, ce masque devant le monde, si elle me l’enlève, je l’arrache.
Si elle me chasse ; dans les flots je l’emporte.
Si elle m’exile, je l’arrache. (p. 37-38)

Céline Minard, Olimpia (Denoël, 2010, 91 p.)

À l’occasion de la ridicule journée de la femme, une plongée dans la magnifique langue baroque de la malédiction jetée à la face de Rome la bannissant par Olimpia Maidalchini (1592-1657), qui fut un temps « papesse » en lieu et place son beau-frère falot, Innocent X, s’impose.

Céline Minard est née en 1969. Elle a publié aussi :
– R. (Comp’Act, 2004)
La Manadologie (M.F, 2005)
Le Dernier monde (Denoël, 2007)
Bastard Battle (Léo Scheer, Laureli, 2008)

::: Philippe Annocque, « Les voix de Céline Minard » (hublots)
::: Xavier Houssin, « Les mots meurtriers de Céline Minard » (Le Monde)
::: « Diatribe italienne » (L’Alamblog)