si on ne s’évite pas

À plusieurs, on souffre autant, mais on le supporte moins mal, et c’est toujours autant de pris. Ainsi, l’intérêt du présent recueil de désespérances pourrait être – je dis bien pourrait être – que mon lecteur tombât, comme cela, sur celle dont il souffre à cette heure-là. Et se retrouvant avec Sophocle, Abélard, Charles Maurice de Talleyrand, Louis XVIII, de Gaulle, Malraux … ou Synésios de Cyrène pour déplorer que ceci ou cela aille si mal, peut-être se sentirait-il moins seul ?

Lucien Jerphagnon, « Avant-propos », Laudator Temporis Acti (C’était mieux avant) (Tallandier, 2007, p. 20)

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Cette petite anthologie en effet réconfortante du philosophe Lucien Jerphagnon permet accessoirement de découvrir ou donne envie de relire, quelques grands pessimistes de tous les temps.

Quelques exemples :

Perfide, toujours et de toute façon
Est la nature de l’homme.
Aristophane, Les Oiseaux, v. 451-452

Je l’avais bien senti, bien des fois, l’amour en réserve. Y en a énormément. On ne peut pas dire le contraire. Seulement, c’est malheureux qu’ils demeurent si vaches avec tant d’amour en réserve, les gens. Ça ne sort pas, voilà tout. C’est pris en dedans, ça reste en dedans, ça leur sert a rien. Ils en crèvent en dedans, d’amour.
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

Pour la conduite du peuple, tu as de surcroît toutes les autres qualités adéquates : une voix vulgaire, une basse extraction… et tu es un voyou. Tu as tout ce qu’il faut pour faire de la politique !
Aristophane, Les Cavaliers, v. 216-219

Tout mensonge répété devient une vérité : on ne saurait avoir trop de mépris pour les opinions humaines.
François René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe

Rien n’est plus misérable que l’homme, entre tous les êtres qui marchent sur la terre.
Homère, Iliade, XVII, v. 448

Chacun se fuit toujours, mais à quoi bon, si on ne s’évite pas ?
Sénèque, De la tranquillité de l’âme, II, 4