le titanic après l’iceberg
je pose aujourd’hui que ce qu’on appelle roman (officiel) ce qu’on offre en tant que roman (officiel) ce qu’on achète en tant que roman (officiel) ce qu’on critique en tant que roman (officiel) ce dont on parle comme étant de l’ordre du roman (officiel) dans la presse et dans l’édition en France en général n’est pas de l’ordre du roman et moins encore de l’ordre du contemporain mais autre chose
je pose que ce qu’on nous offre en tant que roman (officiel) cet autre chose est en général aussi pertinent que Druon pétitionnant pour rebâtir les Tuileries et aussi contemporain que les écrits des Émigrés en 1815 qui n’avaient rien appris ni rien compris ce qui dans la description la dénonciation l’appréhension du monde dans lequel on vit dans lequel on est revient à faire jouer l’orchestre du Titanic après qu’il a heurté l’iceberg
je pose que cet autre chose ces textes en général appelés romans (officiels) par les éditeurs et les journalistes dénaturent ce qu’est le roman et que ce sont des produits culturels c’est-à-dire des produits destinés à la vente et qu’il n’est donc plus possible de parler de roman contemporain visible ou reconnaissable en France au risque de mélanger les aveux les confessions les relations de viol d’inceste d’euthanasie les histoires de la Première Guerre mondiale les histoires de la Deuxième Guerre mondiale et pourquoi pas si la langue était tentait osait quelque chose qui ressemble au réel se remette en question si la langue
Emmanuel Adely, « Sans titre », Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007, p. 37-38)
Emmanuel Adely est né à Paris en 1962.
Il a publié :
– Les Cintres, roman (Minuit, 1993)
– Dix-sept fragments de désirs (Fata Morgana, 1999)
– Agar-agar, roman (Stock, 1999)
– Jean, Jeanne, Jeanne, roman (Stock, 2000)
– Fanfare, roman (Stock, 2002)
– Mad about the boy, roman (Joëlle Losfeld, 2003)
– Mon amour, roman (Joëlle Losfeld, 2005)
– « Edition limitée » (Inventaire/Invention, 2006)