la bonne question

qui_est_vivant.gif

Qui est vivant ? est le titre d’un recueil hors-commerce, « une manière de catalogue en chantier, en vigueur, en mouvement », constitué en grande partie d’inédits, proposé par les éditions Verticales (avalées l’an dernier par Gallimard mais toujours vivantes !)

De beaux textes d’auteurs que j’aime lire (ceux d’Olivia Rosenthal, Chloé Delaume, Régis Jauffret, Lydie Salvayre, Jean-Paul Michel, Claro, Yves Pagès, Philippe Adam, François Bégaudeau, Nicole Caligaris, etc.), mais aussi l’occasion de découvrir des écrivains dont je vais lire très vite d’autres livres, par exemple :

Patrick Chatelier

Henri Michaux est vivant.
Celui qui dit qu’il est mort, je le tue.

Celui qui profère que Marcel Proust est d’un ennui à périr, je l’amerris.

Celui qui moque le fou sans œuvre, le sage sans production, celui qui hue le griot sans papier, je lui saute sur le steak chevalin pour le noyer dans la rivière d’Auteuil. Je lui coupe l’alimentation, je l’enrhume, je le tousse, je l’escogriffe, je l’embastille en lui-même, je lui pile le logo, je lui sectionne la talonnette d’Achille, les trompettes de Falloppio et les organes, présents ou potentiels, des intelligences.

Car celui qui par trois fois aura trespassé, saura peut-être distinguer entre le vif et l’ordure. (p. 36)

Jean-Luc Giribone

Écrire, pour certains, procède d’une faille, d’une lézarde, d’une zébrure dans le tissu même de la vie. Ces instants éclairants que je viens de vivre, ces personnages hauts en couleur que je viens de rencontrer, cette scène spectaculaire à laquelle j’ai assisté… tout se passe comme s’ils n’étaient pas pleinement achevés. Pour qu’il le soient, il leur faut encore un écho, une réplique, la projection de ce qu’ils sont sur un autre écran. Comme si la vie possédait en elle-même un défaut essentiel, et que seule la réplique de certains de ses fragments pouvait dissiper ce sentiment…
Celui qui tente d’écrire n’est donc pas plus vivant que les autres ; à tout prendre, il le serait plutôt un peu moins, car ce défaut, c’est aussi le sien. C’est pourquoi Kafka nous dit que, de tous les membres de la tribu, il est le plus faible. Par l’écho qu’il tente de donner à la vie, il ne veut pas surpasser les autres, mais simplement les rejoindre – car il a tendance à supposer qu’ils habitent simplement, directement, ce lieu de vie qu’il s’efforce d’atteindre par littérature interposée. (p. 63)

Ludovic Hary

Est vivant celui dont le cerveau cadastral (découpeur de régions, roi des idées claires, mais pas trop, hein ? !, sachez, Sire, qu’une lumière excessive tue les ombres, écrase les reliefs),
marche
synapse dans la synapse
avec le cerveau des émotions (hou, le vilain mot, pour certains),
les deux s’épaulant l’un l’autre.
Vous avez noté ?
(…) Nous dirons qu’un vivant saura tantôt goûter, tantôt gloser, sans que l’un ne chasse l’autre. (p. 66)

Jane Sautière

Donc vivants. Et ici. Au coude à coude avec les autres, marchant aux mêmes cadences, mais pas tous, il y en a souvent un, une, pour faire démailler les autres, une chaussure mal arrimée, une valise à roulettes traînée et poussée, un trop vieux, parfois un SDF distancé, dis-tant, encore plus opaque que nous, et qui se fout de tout. Plus opaque et plus épais que nous, la foule le contourne, un roc fiché dans cette coulée humaine. (…)
Il ne faut pas se retourner et voir le troupeau derrière, la force obstinée. Vie sans corps, élémentaire comme l’amibe. (…)
Mais, ici, la vie est étrange, presque absente, nouée dans le grand organisme de la foule, qui produit du mouvement, mais pas de l’existence. (…)
Il y a les moments où on ne s’appartient plus, les moments de foule si dense, où on a à peine la marge de tanguer sur son propre pas et de heurter l’épaule du voisin, et juste après, lorsque les trajectoires peuvent à nouveau s’impulser, revient le règne de la force et de la brutalité, les pas qui coupent, talonnent, tranchent, écrasent, dépassent, louvoient ; on mesure la pression sociale d’être dominant. Moi-même enfoncée comme un clou dans la trajectoire de l’autre, je me demande comment font les grandes nuées de martinets dans les cieux d’été, si compacts entre eux, et pourtant virant et tournant à la corde sans que jamais le moindre heurt ne vienne troubler le mouvement. (p. 168-171)

ou Sandrine Soimaud

www.ki-vit-vend.com

Qui sommes-nous,
Créatifs, à but lucratif, notre vocation est d’organiser des happenings tonitruants, de promouvoir les Ego, en les plaçant sur le devant de la scène, en deux temps, trois événements.

Rendez-vous sur notre espace perso et notre forum-événement de l’année : Qui est vivant ?
Vous y trouverez les divers avis, et dénonciations variées et anonymes qui nous sont parvenus afin de nous aider à résoudre cette question. Ces différents documents, y compris quelques petites poésies affligeantes et moroses, oeuvres d’internautes privés d’oméga 3, sont consultables, à tout moment, sur : no$ archive$ pavante$. Quant aux oméga, il suffit de cliquer sur le lien monsaumon.com pour vous en procurer.

La mise du prix « Qui est vivant ? »
Devant l’affluence et la divergence des points de vue nous avons dû nous résoudre à faire appel à une sommité, pour les départager. Par sommité, nous désignons notre source, notre mine de pensée, le moteur de nos inspirations culturelles : Google dont personne ne songera à nier ni la supériorité, ni la polyvalence. (p. 187)

(ces liens là ne mènent à rien, dommage, ce pourrait-être amusant)