quelques chiffres
Par cgat le mardi 21 novembre 2006, 00:06 - édition - Lien permanent
Livres Hebdo fournit dans son dernier numéro paru (n° 666, 17 novembre 2006) quelques chiffres édifiants :
Deux mois de rentrée littéraire, 683 romans, mais, finalement, combien ont réellement eu leur chance ? Comment les médias - télévision, radio, presse, Web (1) - parviennent-ils à trier, digérer et mettre en scène cette accumulation de livres ? En épluchant les sommaires de 31 journaux et émissions de radio et de télévision, on aboutit à un premier constat, qui étonnera : 333 (2) romans français et étrangers, soit environ un sur deux, ont été cités, aimés, débattus au moins une fois depuis la rentrée. En revanche, seulement un roman sur dix a été correctement promu - par dix supports et plus. Dans Lire, Frédéric Beigbeder décrivait ainsi le métier de critique : « Allez, je vais y arriver, je vais réussir à faire mon job de portier artistique, mon sale boulot de trieur de textes bidon avec professionnalisme. OK, je saurai laisser une chance à chaque ouvrage, peu importe s'il y en a 683. Je peux bien consacrer une minute à chaque livre, c'est-à-dire 683 minutes de ma vie à cette rentrée. Que sont 683 minutes? Onze heures. » (p. 74)
dit le début de l'article. Un camembert présente ensuite des pourcentages plus précis :
6 % des romans ont fait l'objet de plus de 10 citations (soit 17 romans)
15 % de 5 à 10 citations
38 % de 2 à 4 citations
41 % ont eu droit à 1 citation
49 % n'ont pas été cités du tout.
Sur 97 premiers romans 32 seulement ont fait l'objet d'au moins une critique. Curieusement Jonathan Littell n'est pas en tête (18 articles), mais seulement troisième après Michel Schneider (20) et Christine Angot (19). Le quatrième est un autre premier roman, celui de Jean-Eric Boulin. Enfin je me réjouis, tout de même, de trouver Eric Chevillard (22e ex-aequo avec 9 articles) parmi les 25 romanciers les plus chroniqués.
note de l'auteur de ce blog :
(1) de fait, on parle fort peu du web dans cet article, et essentiellement pour
citer le blog de Pierre Assouline, ce qui est un peu limité tout de même. Si, comme on
le dit aujourd'hui à propos de politique par exemple, les blogs ont de plus en
plus d'influence, peut-être certains d'entre nous corrigent-ils ces chiffres,
et rattrapent-ils des oublis.
(2) soit 666 divisé par deux, c'est à devenir numérologue !
Commentaires
Bonjour
C'était la première fois que nous faisions une telle étude (sur 2 mois), et elle était destinée avant tout à vérifier (ou pas) les a priori et les percpetions. La liste des 31 médias se veut un panel plutôt représentatif mais pas exhaustif. Par exemple nous avons décidé de ne pas "retenir" les magazines spécialisés comme Lire, Le magazine litté, ou encore la Quinzaine litt. De même nous n'avons pris qu'une seule émission de France Culture, mais deux de France Inter.
Dans l'agenda de LivresHebdo.fr, nous recensons 95 émissions ou publications. En mars 2007, nous intégrerons une dizaine de blogs, dont le vôtre que nous avons remarqué assez vite. Il y aura même un Extranet poru que vous puissiez promouvoir vos choix éditoriaux.
Si, d'aventures, un baromètre mensuel des médias devait exister, il est évident que nous changerions la méthodologie.
Cependant les Blogs, si certains sont beaucoup lus, n'ont pas (encore) l'audience d'un Monde des Livres ni la valeur prescriptrice d'un Guillaume Durand. La France, à ce titre, a encore du retard dans la manière dont sont reconnus les nouveaux médias (et pas simplement les blogs mais aussi les sites web éditoriaux).
Tout cela est pris en compte au sein de notre rédaction. Mais rien ne se fera si les bloggeurs et éditeurs de sites ne réunissent pas leurs forces pour montrer leur poids. En l'absence de chiffres (fiables), il sera difficile de faire la comparaison avec un mag comme Les Inrocks qui pourtant est diffusé à peu d'exemplaires.
Je serai ravi si les bloggeurs faisaient comme les sites webs : publier leur chiffres. Cela me donnerait des arguments face à des confrères qui ne jurent encore que par leur papier.
cybermitiés (comme on disait dans mon temps)
vincy
Nous y sommes : 666 : Mephisto n'est plus très loin ! Une pointe d'humour (aigre) dans ce théâtre de la désolation...
Merci, Vincy, pour cette réaction. C’est une excellente initiative de la part de Livres Hebdo de s’ouvrir sur les nouveaux médias que sont les blogs et d'envisager de relayer leurs choix.
Toutefois je crains que votre appel à la preuve par les chiffres ne rencontre que peu d’échos parmi les bloggeurs, même si certains aiment à afficher un compteur statistique. Pour ma part j’ai toujours choisi, tant sur mon site depuis 1999 que sur ce blog ou d’autres, ne pas même disposer de statistiques.
La culture des chiffres est en effet une culture de l’audience et du temps de cerveau disponible dont on ne peut pas vraiment dire, par exemple, qu’elle rende la télévision meilleure ; une culture du tableau excel qui fait des ravages dans le service public ; une culture qui dans le domaine de l’édition littéraire donne les résultats qu’on sait, et que Livres Hebdo décrit fort bien (comme dans cette étude, intéressante).
Je ne veux ni ne peux parler pour l’ensemble des bloggeurs littéraires, mais il me semble que beaucoup d’entre eux ne prennent pas sur leur temps libre pour faire du chiffre et n’ont pas envie de se voir juger sur ce critère là. Sauf à vouloir vivre de la publicité, ce n’est pas tellement le nombre de visiteurs qui importe et motive, plutôt la curiosité de savoir qui ils sont, le plaisir d’avoir des commentaires intéressants, d'avoir donné à quelques uns envie de lire un livre, etc.
Tout cela peut paraître un peu utopique et détaché de ce qu'on nous présente comme la "réalité", mais c'est peut-être aussi pour cela que nous sommes (que je suis, en tout cas) dans le virtuel des réseaux, où il est possible d'écrire sans être sanctionné par un chiffre de vente.
Amicalement
Cher Cgat
J'ai été webmaster en 1994 et j'avais à peu près la même utopie que vous jusqu'en 2000. Les chiffres, hélas, ont eu raison de la qualité. On en a vu les conséquences. Dans le cinéma, Allociné annonçait n'importe quels chiffres, et finalement, ils ont gagné sur tous les autres. Evene est en train de reproduire le même schéma en culture/littérature.
Pour rendre visite à de nombreuses agences, ces derniers temps, je peux vous assurer que vous auriez à y gagner. Le blog va de plus en plus prendre de l'importance commerciale dans le secteur, quitte à se faire avaler (comme le web independant en son temps). Quelque part cette marchandisation a déjà commencé puisque des sites "intsitutionnels" ou "corporates" s'invitent dans les flux RSS et les Google, Reuters et autres Yahoo rachètent des plateformes communautaires.
Cela n'empêchera pas Livres Hebdo de s'ouvrir davantage aux flux RSS et de vous relayer au mieux sur ces pages médias.
cybermitiés
Vous avez sans doute raison (concernant Evene très certainement hélas) mais il nous reste tout de même le droit de déplorer la marchandisation qui gagne.
En tout cas vos commentaires sont les bienvenus, que j'évoque Livres hebdo (même lorsque c'est à ma manière un peu ironique) ou pas. A très bientôt ...
"Tout cela est pris en compte au sein de notre rédaction", on dirait des ingénieurs de Google parlant de leurs algorithmes... (On veut nous y faire croire.)
Le chiffre ne fait pas la qualité, loin de là, et hélas Livres Hebdo est très mal placé pour parler de qualité, ou simplement d'appréciation personnelle, de finesse, de choix sur le contenu, etc., puisque c'est un média essentiellement professionnel et commercial.
Pour moi qui lis "Le Matricule des anges", c'est l'autre bout du monde.
On parle même d'utopie alors que pour notre hôtesse ou pour moi-même il s'agit de la réalité de tous les jours. Excusez du peu. La tyrannie des chiffres de fréquentation est l'instrument même de la doxa et de la cybernétique. Comme Vincy le fait comprendre par son ton d'évidence, ça se fait, c'est la pression, le mouvement de l'histoire et rien ne sert de résister, il faut se soumettre. Mettez vos stats ou vous deviendrez ridicule et infréquentable... Eh bien, je crois qu'infréquentable, j'aurai encore plus de panache — et je serai tranquille chez moi, invisible dans toutes les colonnes d'Excel. J'espère que "Lignes de fuite" saura la prendre à temps, la fuite, ou la garder, avant d'être dans les lignes adverses.
Ah ! le beau « panache » façon Cyrano :
« Bref, dédaignant d'être le lierre parasite, / Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul, / Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! »
Grâce à ton renfort chevaleresque, Berlol, je vois avec plaisir que je ne suis pas la seule à être allergique à la tyrannie des statistiques et de la « réalité ».
Ceci dit, parler de « lignes adverses » est un lexique un peu trop militaire à mon goût : même si je lis avec grand plaisir Le Matricule, j'apprécie également, pour d'autres raisons, la lecture de Livres hebdo, dont le propos est totalement différent.
petit post scriptum concernant l'étude dont je suis partie, vincy : je serais très curieuse de connaître la liste des 333 romans qui n'ont fait l'objet d'aucune critique ... serait-ce possible ?