l'empire de la passivité moderne
Par cgat le lundi 25 décembre 2006, 22:45 - écrivains - Lien permanent
Spécialement pour Berlol (!) encore un peu de « péremptoire » debordien :
12. Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et
inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce qui apparaît est bon, ce qui
est bon apparaît ». L'attitude qu'il exige par principe est cette acceptation
passive qu'il a déjà en fait obtenue par sa manière d'apparaître sans réplique,
par son monopole de l'apparence.
13. Le caractère fondamentalement tautologique du spectacle découle du simple
fait que ses moyens sont en même temps son but. Il est le soleil qui ne se
couche jamais sur l'empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la
surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.
(...)
69. Dans l'image de l'unification heureuse de la société par la consommation, la division réelle est seulement suspendue jusqu'au prochain non-accomplissement dans le consommable. Chaque produit particulier qui doit représenter l'espoir d'un raccourci fulgurant pour accéder enfin à la terre promise de la consommation totale est présenté cérémonieusement à son tour comme la singularité décisive. Mais comme dans le cas de la diffusion instantanée des modes de prénoms apparemment aristocratiques qui vont se trouver portés par presque tous les individus du même âge, l'objet dont on attend un pouvoir singulier n'a pu être proposé à la dévotion des masses que parce qu'il avait été tiré à un assez grand nombre d'exemplaires pour être consommé massivement. Le caractère prestigieux de ce produit quelconque ne lui vient que d'avoir été placé un moment au centre de la vie sociale, comme le mystère révélé de la finalité de la production. L'objet qui était prestigieux dans le spectacle devient vulgaire à l'instant où il entre chez ce consommateur, en même temps que chez tous les autres. Il révèle trop tard sa pauvreté essentielle, qu'il tient naturellement de la misère de sa production. Mais déjà c'est un autre objet qui porte la justification du système et l'exigence d'être reconnu.
Guy Debord, La Société du spectacle (1967) (Gallimard, Folio, p. 20 et p. 63-64)
et quelques liens :
- La Société du spectacle (1967)
- Commentaires sur la Société du spectacle (1988)
- Cinq films de
Guy Debord
- Vincent Kaufmann, Guy
Debord (ADPF, 2003)
- Notice Guy
Debord (Wikipedia)
- Page Guy Debord (Revue des Ressources)
Commentaires
Péremptoire, comme vous y allez jeune fille ! c'était un ton déraisonnable et les corps s'étaient mis à table on prenait les sous pour des liens alors les soirées de bombance on tombait dans la somnolence tels des remailleurs de faïence et c'est à n'y comprendre rien !
beau commentaire, cairo ! je précise que le terme "péremptoire" est repris d'un commentaire de berlol : je ne le reprends absolument pas à mon compte et lui ajoute d'ailleurs sur le champ des guillemets ...
Oui, Cairo, je revendique mon "péremptoire". Si c'est pour vivre comme Debord, si c'est ainsi que les hommes vivent, ou devraient vivre selon lui, alors je préfère modestement être un consommateur. J'accepte la plupart de ses analyses, ou devrais-je dire visions (et beaucoup sont très belles, littéraires aussi), mais je ne veux pas de ses sous-entendus, où le péremptoire trouve sa source, notamment les allusions à un passé idéalisé sans le dire. J'accepte le fait que depuis ma naissance, et même avant, je suis modelé et construit par des fantasmes et des représentations, et que la plupart sont convertis ou convertibles en objets de consommation -- et que c'est en grande partie pour ça que je suis un consommateur. Je ne me priverai pas de tout en attendant la mort pour savoir ce qu'est la vraie vie... Pour autant, cela ne m'empêche pas d'avoir une éthique, du discernement et, je l'espère, du goût. À la bonne vôtre !
voilà un propos qui est également un peu péremptoire (dans le "si vous n'êtes pas d'accord vous êtes archaïques") ... non ?
mon intention n'est pas non plus de renoncer définitivement à consommer pour me retirer dans une caverne et vivre en ermite !
cela n'empêche pas de savoir faire une pause quand overdose il y a (c'est le cas en ces temps "festifs" ... et le 10 janvier ce sont les soldes!) et d'essayer d'être (parfois) consciente de ce qui me meut lorsque je consomme
Tout à fait d'accord, c'est aussi ma ligne de conduite (qui résulte en temps réel de deux lignes de fuite, celle de la boulimie consumériste et celle de la retraite érémitique).
Au fait, tu ne dors pas, toi, à c'te heure ?!
à c't'heure (ah oui 3h33 tout de même!) pas encore, mais il va falloir que j'y songe ...