Le néogâteux gélatineux ne rit jamais. Avec condescendance, il jette dans la même opprobre la modernité qui n'est que bougisme et l'éloge de la jeunesse qui n'est que fasciste. Pour se dédouaner d'être réactionnaire, ce contorsionniste enfonce avec rage les portes ouvertes en affirmant qu'il n'y a pas de progrès en art, pour mieux masquer sa haine du neuf. Et pas de progrès en morale pour justifier son incapacité à la création. Il hurle les cheveux en l'air qu'il faut arrêter le train du renouveau qui écrase tout sur son passage. Il est prêt à se jeter sur les rails. Retenez-le, mes amis !
Assez de l'absurdité de la technique toute-puissante avec ses machineries maléfiques, ses clones nucléaires et ses puces génétiques qui démangent le monde et rendent les hommes étrangers à eux-mêmes.

Daniel Accursi, Le néogâtisme gélatineux (Gallimard, L’Infini, 2007, p. 21-22)

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« Le grand secret est là : la pensée se fait dans la bouche » (Tzara).
Les idées débouchent non pas du cogito cartésien ou de l'inconscient freudien mais de la bouche. Bouche de cratère, bouche de métro, bouche d'égout, bouche de cheval, bouche à bouche. Débordante, déconnante, voltigeante.
Picabia l'a dit : « Notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction. »
La pensée n'est pas une ligne droite, une chaîne à la Descartes ou un moule kantien, mais une ronde endiablée comme dans un film de Max Ophuls. Elle danse, rock'n-rolle d'une idée à l'autre, fait des farandoles et des arabesques. Légère, aérienne, insouciante, insolente. Loin de cet esprit de sérieux qui assassine la vie. Cercle joyeux donc. En fait, c'est une spirale ubuesque qui monte comme un escalier en colimaçon et spiralise le monde.
Une spirale non pas pour aller quelque part, comme l'affirme toute la philosophie, obsédée par les points d'arrivée, les destinations, les finalités, les buts, les tout-le-monde-descend, mais Nulle Part, « là où il y a des arbres au pied des lits et de la neige blanche dans le ciel bleu » (Ubu).

Daniel Accursi, Le néogâtisme gélatineux (Gallimard, L’Infini, 2007, p. 99)