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« L'humanité ne pourra se penser comme telle que lorsqu'elle rencontrera une autre espèce consciente... » Il y a une grande présomption à ne vouloir se mesurer à quelque autre espèce que sur la base de la conscience. Celle-ci est un miroir déformant qui empêche de voir que la confrontation existe déjà hors-conscience, dans l'infra-humain, dans l'animal, dans le déroulement du monde sans nous, hors de nous. Pas besoin d'une espèce extra-terrestre pour cela : l'altérité est là, et elle est partout un défi à la conscience telle qu'elle se pense comme hégémonique, seule juge de l'existence du monde.
Il est possible que l'espèce humaine espère, par l'intelligence artificielle, inventer une autre race où elle puisse se réfléchir, comme dans un immense miroir. Mais elle ne ferait encore, en se réfléchissant, que vérifier son existence. Or la conscience suffit pour se connaître, mais elle ne suffit pas pour se penser. Pour cela, il faut que nous soyons défiés dans notre conscience même par tout ce qui ne jouit pas de cette conscience « supérieure », mais qui n'en fait pas moins, dans l'ordre du monde, jeu égal avec la conscience. La conscience n'est souveraine que dans les termes de la représentation du monde qu'elle impose, et qu'elle s'impose à elle-même. Dans l'ordre symbolique, elle ne peut que se mesurer à quelque chose de plus vaste.

(...)

Les seins siliconés, qui ne s’affaissent jamais, même à l’horizontale.
La pensée siliconée, celle qui ne s’avachit jamais, et qui tient debout toute seule, dans n’importe quel contexte.

Jean Baudrillard, Cool Memories V : 2000-2004 (Galilée, 2005, p. 49 et p. 90)