politique quotidienne du désordre
Par cgat le lundi 16 avril 2007, 00:02 - écrivains - Lien permanent
Le conseil avisé de François Bégaudeau au « désordrophile » - quelque peu frustré, par les temps qui courent - qui sommeille - selon lui - en tout électeur de gauche :
(...) instaurer, dans son espace vital, une Politique Quotidienne du Désordre, ou PQD.
Cette dernière est menée en circuit interne. Par l'individu, pour l'individu. Juge et partie. Administrant et administré. Démocratie directe. Autugestion pour ma gueule. Kibboutz pour mézigue. Qui consiste à instaurer un comité de surveillance propre à neutraliser Ies pulsions d'ordre par quoi l'on se sent traversé. Une sorte de plan Vigipirate permanent, destiné à mettre hors d'état de nuire le petit terroriste qui sommeille en chacun.
À ne considérer que ces prises de position dans le champ politique et sociétal, Christian se croyait totalement désordrophile. Mais quand il baissa les veux sur le plancher où reposait en vérité ses très véritables pieds, il constata quel petit fasciste il était par moments : ne supportant pas qu'un ami dorme chez lui et risque de perturber la disposition en apparence aléatoire des objets et des meubles ; s'irritant qu'on ait la moindre minute de retard à un rendez-vous; giflant Béatrice lorsqu'elle lui avoua avoir embrassé un garçon dans un action-vérité organisé à l'étage le soir de la fête chez Sophie ; se traitant intérieurement de pauvre larve pour n'avoir travaillé que deux heures sur son manuscrit, un dimanche qu'il faisait beau ; aimant un film à proportion de la compréhension qu'il en a, et non pour le débord qu'il pourrait provoquer ; aimant avoir Iu plus que lire ; constatant avec joie qu'il possède tous les Tintin ; ressentant une étrange satisfaction intérieure après avoir posté ses factures ; vérifiant sans arrêt la présence de son porte-monnaie dans sa poche. Liste non exhaustive, car il arrive ce paradoxe que le royaume de I’ordre est extensible à l'infini.
François Bégaudeau, « Pour une PQD », dans « Les forces de l’ordre », Inculte. Revue littéraire et philosophique, # 12, février 2007, p. 16-17
François Bégaudeau vient également de publier, avec Arno Bertina et OIivier Rohe, Une année en France (Gallimard, 2007), dont il est intéressant de l'écouter parler avec Alain Finkielkraut (Répliques, 24 mars 2007).
Commentaires
c'est toujours le gros problème de Bégaudeau : il est d'une moralité consternante. Son côté animateur de catéchisme pour jeunes en difficulté. Trop de moralité tue l'écrivain. La vie sociale n'est pas la vie de l'individu. Le foyer n'est pas la "première cellule" de l'Etat, à moins de donner raison à Napoléon !
vous avez le droit d'être allergique ... mais il y a tout de même pas mal d'humour et d'ironie dans ce texte, où je lis le contraire de ce que vous dénoncez : la suite du texte le dit d'ailleurs plus clairement (mais on ne peut pas tout citer!)
J'ai entendu cette émission avec Finfielkraut et je dois dire que j'y ai pris plaisir. Bégaudeau avait pris le dessus, interrogeait Finky, le poussait dans ses retranchements (son racisme couvert d'intellectualisme). Ça changeait des émission habituelles où Finky impose ses idées devant chaque invité ou laisse déraper certains qui servent sa cause en voyant de l'antisémitisme partout.
en effet, c'est ce qui m'a plu aussi : il n'est pas facile de tenir tête à Finfielkraut et Bégaudeau le fait, qui plus est, en utilisant des armes stylistiques, en déconstruisant les ficelles du discours de son adversaire
bon, c'est vrai que j'y suis allée un peu fort. On n'est pas maître (du désordre) de ses humeurs. J'aime pas trop ce que F.B. écrit voilà tout. Il y a quelque chose de trop brillant, brillant dans le sens de bijou en toc, dans ce qu'il dit, et, parallèlement de trop terne dans son style à l'écrit, à mon goût.
D'ailleurs, Bégaudeau, c'est quelqu'un que j'ai découvert par la radio, il y a un peu plus d'un an, avant de le lire. Il parlait de la vitalité et de la |réac/créa|tivité des élèves quand tout le monde (dont le très doxique Finkie) n'a que leur nullité et ignorance à la bouche...
Et puis, j'ai écouté "Jouer juste" lu sur France Culture et c'était extraordinaire !
J'ai moi-même aussi écouté cette édition de cette émission, dont j'écoute toutes les rediffusions, étant amateur de Finkielkraut. En effet, il y a eu un moment peut-être où Bégaudeau a identifié une faille chez son adversaire du jour. Mais il serait malhonnête de dire que cela a été le cas pendant toute l'émission - en disant cela vous pratiqueriez une de ces réductions médiatiques que, les uns ou les autres, vous aimez à dénoncer. Il y a eu de nombreux autres moments où AF a largement pris l'avantage sur ses deux (FB + l'autre invité, issu des banlieues 1000 fois plus pertinent que Bégaudeau face à AF) contestataires. Et à vrai dire, ce n'était pas trop difficile quand on ré-expose le sujet du jour : les émeutes de novembre 2006, et leur traitement, notamment celui de Bégaudeau et Bertina dans leur dernier essai commun. Rappelons en le (non) argument : ne porter aucun jugement, ne s'adonner à aucune analyse, ne surtout recourir aucune grille de lecture qui serait forcément le produit d'une idéologie (évidemment de droite, évidemment bourgeoise). Outre le fait que cette absence de jugement bénéficie toujours aux mêmes, - alors que les flics, l'institution, les intellectuels sionistes, etc. - sont invariablement condamnés et une bonne fois pour toutes, outre cela, ce refus de juger est d'une grande bêtise, je trouve, qui a notamment mené Bégaudeau a déclaré : "ces émeutes ont été le signe d'une grande vitalité"!!! Oui, vous avez bien lu, il y a des gens qui ont une prétention intellectuelle et qui osent affirmer de telles énormités! C'était pour Bégaudeau un signe positif qu'il accusait les sales l'"idéologues" de vouloir cacher sous le boisseau, croyant sincèrement que l'on allait interpréter sa soit-disante absence de jugement comme une absence d'idéologie... On peut reprocher sans doutes un certain nombre de chose à Finkielkraut, en attendant il a eu le courage d'inviter à débattre des gens qu'il savait diamétralement opposé. Et qui a le courage de dénoncer comme lui aujourd'hui toutes les attaques communautaristes contre le pacte républicain, l'idéologie bobo qui cultive l'excuse, le grotesque des "mutins de Panurge"? Personne, ou si peu... Et le traîter de raciste est diffamatoire. Certes, mais cela non plus vous n'aurez pas le courage de le dire, s'il n'était pas juif, il serait déjà complètement grillé, il n'y aurait pas eu d'Alexandre Adler pour mettre sa démission dans la balance si AF était viré de France Kultur...
Vous ne comprenez donc pas que c'est cette attitude de déni qui a mis Le Pen au second tour en 2002?
nous n'avons pas du écouter la même émission, FSP ! car j'ai entendu beaucoup plus de failles que vous dans le discours d'AF : FB a bien montré comment il s'emparait d'un mot, d'une expression, pour déformer voire retourner complètement le propos de ses invités
ayant entendu à de multiples reprises, en enrageant, AF procéder ainsi sans que ses invités se rebiffent (la plupart essaient de répondre sur le fond et se retrouvent piégés dans le discours tautologique de leur hôte), j'étais ravie d'entendre l'un d'eux réagir intelligemment
Chakib Lahssaini ("l'autre invité" selon vos termes) était surtout très silencieux (ce qui plait toujours beaucoup à AF), mais il a répété à plusieurs reprises que FB avait raison de dire qu'AF essayait d'instrumentaliser les quelques mots qu'il arrivait à placer !
ceci dit, je n'ai pas pour ma part accusé AF de racisme, et il m'arrive (c'est aussi pour cela que je continue à l'écouter assez régulièrement) d'avoir de l'admiration pour son talent dans la mauvaise foi confondante, voire pour certains de ses raisonnements lorsqu'il ne se laisse pas aveugler par ses préjugés
nobody, ne regrettez pas vos propos, vous avez tout à fait le droit de ne pas aimer Bégaudeau
pour ma part, par esprit de contradiction je n'ai pas encore lu "Entre les murs", dont on avait trop parlé, mais j'avais aimé ses deux précédents romans, surtout "Dans la diagonale"