un poète du soir
Par cgat le samedi 29 septembre 2007, 01:30 - citations - Lien permanent
TOUJOURS LE TRAVAIL
je serai courageux
je me lèverai à la première heure pour écrire des poèmes
à onze heures du matin j'en aurai produit au moins un
avant dix heures même
lever laver petit déjeuner et hop à la selle
en selle sur Pégase dans le ptit air frumeux de l'aube
j'aperçois pourtant là-bas les mains à la charrue
qui déjà se reposent pour casser la croûte
ils sont debout depuis quatre heures du matin – eux
faut pas être frileux pour semer le blé qui
alimentera le poète
moi le suis plutôt un poète du soir
j'exhale ma journée en vers mesurés ou pas
et si par fortune il m'arrive d'écrire le matin
il est midi au moins - voyons voir
qu'est-ce que je disais - il est une heure et demie
déjà
déjà
Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline,
Œuvres complètes, 1 (Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, p.
295-296)
Commentaires
ne s'applique pas à vos billets.
Je ne résiste pas (l’idée du partage présidant à votre site) à l’envie de copier ici une page lue avant-hier et qui m’a enchanté – évitant in extremis le hors sujet du fait qu’elle a été traduite par Raymond Queneau, justement :
« Le cosmos entier est dans le cerveau d’un homme – autant du moins que ce cerveau en peut contenir ; il n’est peut-être nulle part ailleurs. Et lorsque le rêve détend la volonté et qu’il n’y a aucun environnement terrestre pour distraire l’attention – que ni devoir, ni peine, ni plaisir n’y obligent – la fantaisie, sans son cavalier, prend le mors aux dents et le cosmos entier devient fou et fait ce qu’il veut de nous.
D’ineffables fausses joies, d’indicibles fausses terreurs et détresses, d’étranges fantômes comme on n’en voit que dans des miroirs brouillés, se poursuivent les uns les autres sans rime ni raison, et jouent à cache-cache à travers le champ crépusculaire et les sombres retraites de notre conscience obscure et imparfaite.
Et les fausses terreurs et les fausses détresses, pour indicibles qu’elles soient, ne sont pas pires que les terreurs et les détresses réelles qui ne sont que trop souvent le lot de l’homme éveillé, ni même aussi pénibles ; mais les ineffables fausses joies transcendent toute félicité humaine possible tant qu’elles durent, et elles durent bien peu ! En nous éveillant nous nous étonnons de la précarité de ce sur quoi une béatitude tellement surhumaine semble reposer. Mais qu’importe la cause si la béatitude est là, si le cerveau a des nerfs pour la sentir ? Pauvre nature humaine, si richement pourvue de sensibilité pour l’angoisse, si splendidement organisée pour la peine et la douleur, et qui est si maigrement équipée pour la joie !
Quels enfers n’avons-nous pas inventés pour la vie future ! En vérité, quels enfers avons-nous souvent faits de ce monde-là, à la fois pour nous et pour les autres et avec une si petite dépense d’ingéniosité, après tout !
Les idiots les plus arriérés et les plus bornés ont peut-être été les plus brillants créateurs d’enfers.
Tandis que les plus parfaits de nos cieux ne sont que de pauvres conceptions bâclées, malgré les plus grands efforts des plus nobles et des plus intelligents d’entre nous pour les décorer et les embellir et pour y rendre la vie au moins supportable. Tellement il est impossible d’imaginer ou d’inventer au-delà de la sphère de notre expérience.
Mais ces rêves (fort communs) de fausses mais ineffables joies, ne sot-ils pas la preuve qu’il existe dans le cerveau humain des capacités cachées, des possibilités latentes de béatitude, insoupçonnées jusqu’à maintenant, et qui seront peut-être un jour développées et mises à la portée de tous dans la veille comme dans le sommeil ?
Une sensation de joie ineffable, qu’on puisse atteindre à volonté et qui égale en intensité et en durée, disons : une attaque de sciatique, ferait beaucoup pour contrebalancer les tristes et inéquitables conditions dans lesquelles nous vivons. »
George du Maurier, Peter Ibbetson (p.73-75)
(Je sais, c’est long, mais c’est étonnant non ? Ce texte a paru en 1891, c’est le premier roman de George du Maurier, grand-père de la fameuse Daphne ; il était peintre et caricaturiste, ami de Henry James, lequel l’a encouragé à se tourner vers l’écriture parce qu’il perdait la vue)
Bonne journée, à défaut « d’ineffables joies » !
Bon si je comprends bien on va devoir maintenant attendre jusqu'à 13 h 30, oh! pardon 1 h 30 . Ce n'est plus possible...J'en réfère à qui de droit
ne résistez pas, surtout, si vous avez d'autres citations, même hors sujet (!), à faire partager : je crois bien n'avoir jamais lu George du Maurier, mais ce texte me plait beaucoup !