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TOUJOURS LE TRAVAIL

je serai courageux
je me lèverai à la première heure pour écrire des poèmes
à onze heures du matin j'en aurai produit au moins un
avant dix heures même
lever laver petit déjeuner et hop à la selle
en selle sur Pégase dans le ptit air frumeux de l'aube
j'aperçois pourtant là-bas les mains à la charrue
qui déjà se reposent pour casser la croûte
ils sont debout depuis quatre heures du matin – eux
faut pas être frileux pour semer le blé qui
alimentera le poète

moi le suis plutôt un poète du soir
j'exhale ma journée en vers mesurés ou pas
et si par fortune il m'arrive d'écrire le matin
il est midi au moins - voyons voir
qu'est-ce que je disais - il est une heure et demie
déjà
déjà

Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline,
Œuvres complètes, 1 (Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, p. 295-296)