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Les rares qui écrivent vraiment leurs livres paient cher l'écriture. Ils subissent l'épreuve du temps, doivent patienter comme tu l'as fait, se taire et écrire, rien que cela, écrire.
Les autres se contentent de publier, de se répéter ou de juger, de répandre jalousie et envie, usant leur ambition à participer à la société du spectacle, au grand carnaval de la culture de la nouveauté, s'évertuant à occuper l'espace et le temps présent, pour ne produire que du vide.
Il y a ceux qui écrivent comme ils feraient autre chose, tirant les bénéfices, comme dans tous les domaines, de leurs relations ou de leur savoir-faire pour obtenir le meilleur, et il y a les écrivains, ceux qui ne savent faire que cela et dont les œuvres traversent parfois les siècles ou surgissent d'un long oubli. (p. 80)

Dans tous les cinémas, il y a une sortie de secours. Le cinéma, c'est la vie écrite sur la lumière et la poussière. Il y a un début, une histoire et une fin. Tu peux sortir quand tu le désires. Il suffit de le décider. Si le film ne te plaît pas, tu sors. C'est simple. Certains se font remarquer en sortant, font du bruit, gênent au passage. D'autres sont discrets et respectueux de ceux qui restent pour connaître la suite.
Sans y penser clairement, le suicide a toujours été là, à portée de main. Je ne me serais pas fait sauter la cervelle en éclaboussant les murs, je ne me serais pas jeté sous les roues d'une automobile au milieu de l'autoroute ou sous un métro, ni pendu. Rien de tout cela. J'aurais fait comme dans une salle de cinéma : je ne gêne personne et sans bruit je pousse la porte de la sortie de secours.
Moi aussi, je serais parti comme font les rêveurs, au fin fond d'un océan. (p. 159)

Hafid Aggoune, Premières heures au paradis (Denoël, 2008)

Une fuite en forme de voyage initiatique, avec David Lynch comme guide énigmatique.

Hafid Aggoune est né à Saint-Etienne en 1973. Il a publié :
Les avenirs (Farrago, 2004)
Quelle nuit sommes-nous ? (Farrago, 2005)

Il était l’invité d’Alain Veinstein le 8 février dernier (Du jour au lendemain, France culture)
et on peut lire en ligne un article de Blandine Longre (Sitartmag)