sang impur
Par cgat le dimanche 9 mars 2008, 00:02 - écrivains - Lien permanent
Je connais cette engeance, c’est la mienne et je suis comme eux.
À mon avis, on n’est pas des êtres humains.
Les crevards, ici, c’est des types de Bondy, de Garges, de Trappes, de Stains, de Goussainville, de Vitry. Du faisandé. Du pathologique. Tous détenus pour de très bonnes raisons. Tous coupables. La plupart responsables. Tous innocents. Tous prêts à vous égorger si vous leur tournez le dos.
Ils ont leur propre logique.
C’en est pas une mais ils l’appliquent à ce vaste monde souffrant. Ils jouent leur rôle dans la comédie humaine. Comme les facteurs ou les chauffeurs de bus. Leur boulot, c’est de faire les fils de pute et ils le font bien. (p. 10-11)Il y a un moment où les mots ne veulent plus rien dire et ce moment-là, dans une prison, il arrive assez vite. Pourquoi ? Parce que la Raison suit la Force. Même que ça s’appelle la Domination. Vous pouvez vous contenter de mettre des menottes aux crevards, de les tenir entre quatre murs et parler. La Parlotte, ça va avec le Pouvoir et le Pouvoir, ça va avec la Force et l’Horreur. Ça enrobe, c’est tout.
Vous avez le Pouvoir, vous parlez, vous avez raison.
Vous avez une machette dans les mains, vous parlez, vous avez raison.
Vous êtes non-violent, vous parlez, vous avez tort.
C’est la logique du monde. (p. 18)Vous faire avaler l’injustice du monde, ça, c’est le travail des collèges de France.
Et des profs.
C’est eux les vrais bâtards.
Ils sont pires que les flics. Et ils s’en tirent toujours. Ils ont les mains propres. Toujours. Les profs gardent le monde injuste. Pour qu’on reste entre nous, entre Noirs et Arabes. Les collèges sont des ghettos. Et ceux qui disent le contraire n’ont jamais pris le RER ou ont du caca dans les yeux. Suffit de les ouvrir pour le voir. (p. 104)Skander Kali, Abreuvons nos sillons (Rouergue, 2008)
Un premier roman qui, sans excès d’angélisme, de noirceur ni d’inculture, donne une voix à Cissé, monstre, criminel et humain, à qui les tragédies de Corneille et les hymnes nationaux qui parlent de « sang impur » ont donné dès le collège l’envie d’arrêter de respirer.
Né le 15 mars 1970, Skander Kali est enseignant à Paris. Il a longtemps vécu à Vitry-sur-Seine.
Commentaires
Je vous trouve au hasard du maquis internaute, par cooptations aléatoires, de rezo, à celestissima et boum vous voilà. Je viens de passer un moment à vous lire, les oiseaux gazouillent dans mon 9-3 du (tout)petit matin, c'est l'heure d'une bouteille à le mer de réciprocité. Nous sommes 2 garçons et nous faisons des films, me semble-t-il un peu comme vous écrivez. Le plus dur, aujourd'hui, pour nous, c'est de quémander du regard : vous voudriez pas jeter un œil sur nos "choses" : elles sont courtes et jolies, couillues et généreuses, modestes et pompom… Elles se trouvent là :
http://charlydupuis.com
"lundi" dure moins de 2 minutes, "mardi" moins de 4, "le loukoum pour l'isoloir" un peu plus de 8 mais fait rire…et ensuite on est grands ouverts aux échanges et partages de tout métal…
A bientôt peut-être…
Charly Dupuis
un peu de langue sèche et efficace, peut être pas entièrement juste mais reflétant ce qui est senti, avant d'aller m"enfermer une journée dans les rivzlités feutrés et de maintenir en douceur la place d'une "petite liste" - sommeil
Un choc. Un livre superbe à lire absolument.
merci du renfort, Augustin
j'ajoute un lien vers votre billet sur ce livre :
http://augustindercrois.canalblog.com/archives/2008/03/05/8209599.html
j'espère, brigetoun, que votre journée électorale n'a pas été trop épuisante ... ni décevante
quant à vos "choses", Charly Dupuis, ce sont de fort belles choses ..!
outre les films que vous citez, j'aime bien "Neuilly mon amour" ou "Les raisons de la colère" :
j'attends la suite de la semaine et j'invite ceux qui passent par ici à y aller voir
Simple comme un un bon regard…
Merci et à bientôt !
Charly