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Qu'attends-tu maintenant, lecteur à l'haleine tourmentée par les récits que tu viens de lire ? Que veux-tu que je fasse de ces personnages ramassés dans le sable un jour d'ennui et qui n'arrivent que péniblement à me distraire ? T'amusent-ils vraiment ? Allons, il y a des gens qui se contentent de peu - bien que je sois obligé d'avouer que ce roman est de cent kilomètres au-dessus de toute autre production de ce genre. Alors, lecteur intelligent comme le verre filé, te plaît-il que je prenne les mêmes et que je recommence ? Tu désires peut-être que j'élucide tout le mystère que j'ai enroulé autour de mes chères pieuvres, comme le tonneau qui s'enroule autour du vin nouveau ? Mais c'est assez, et maintenant que je t'ai entraîné au milieu de cette page tu n'as plus qu'à suivre le dédale que je compose, tantôt avec peine et tantôt avec passion, avec les vingt-sept lettres de l'alphabet occidental.

Raymond Queneau, Hazard et Fissile (Le Dilettante, 2008, p. 56-57)

Pour saluer la publication d’un court roman de jeunesse inédit, datant probablement de 1927 et à propos duquel Queneau déclarait en 1953 dans un entretien : « J’avais essayé de faire un roman, vers 1928, au moment où j’étais encore surréaliste, avec Jacques Baron, dans des buts lucratifs. Nous voulions écrire un roman policier et devenir très riches. En fait, on a fait un roman surréaliste absolument impossible. C’est-à-dire j’ai fait (…). »

::: Mathieu Lindon, « Les premiers jours de Raymond Queneau » (Libération)