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Étant donné que vous ne vous rendez pas du tout compte de la situation au-delà de vos petites fictions egotripantes et qu'il n'est plus en ce monde de vérité, de lucidité, d'intelligence que validées par un document Excel dégageant des progressions de chiffres au parfum d'excellence, est-ce que l'on n'aurait pas, à un moment donné, atteint le summum d'un truc, un truc fou et insauvable ?
Étant donné que l’économique transforme ta petite cervelle plus ou moins disponible en une masse de neurones animée par l'esprit concurrentiel, étant donné que le principal danger est « ... que nous devenions de véritables habitants du désert et que nous nous sentions bien chez lui » (Hannah Arendt), étant donné qu'au désert symbolique se surajoute désormais le désert du réchauffement climatique, ce nouveau marché du capitalisme, cette franche poussée de stérilité des esprits, est-ce que l'on n'aurait pas, à ce moment donné, atteint le summum, l'hypersummum d'un truc fou, gigantesque et insauvable ? (…)
Partir de l'insauvable me semble approprié. Faire état de l'état catastrophique du monde, de ce qui est déjà perdu, pour opposer au capitalisme tel qu'il se développe et évolue en tant que virus depuis son apparition - aspirant le commerce pour le transformer et le faire évoluer en cette logique biopolitique d'aspiration de l'humain - une position claire, lucide et critique sur l'état du monde. What else ? (Préface, p. 14 et p. 16)

Ras la casquette de 250 ans de discours contestataires. Ça marche pas trop bien sur le long terme la contestation je trouve, non ? La nécessité de l'action est toujours présente mais flanquée d'une touche de résignation, une touche de c'est de pire en pire non ? le malheur, la bêtise s'accroissent non ? Quand je dis ça on me dit bien sûr tu es d'extrême gauche tu es anticapitaliste donc c'est normal que tu tiennes ce discours. Je leur dis surtout que je suis anti-crétin tendance libertaire. Je leur dis qu'il doit sûrement exister des pèlerinages ou des excursions pour des gens comme eux, pour qu'ils se décrassent de toute cette merde fictionnelle qui les empêche de voir, de regarder et de comprendre ce qui se passe là tout autour d'eux, tout autour de leur énorme besoin de ne rien avoir à foutre de rien à part la réussite de cette flippante bulle fictionnelle qu'ils habitent : l'individu, le JE et les quelques JE qu'ils connaissent. Je leur dis que cette excursion sera dure, qu'elle flirtera avec le voyage initiatique, qu’ils auront envie d'arrêter tous les jours, de rejoindre illico la fiction d'en bas. Je leur dis que moi je désobéis à cette fiction régnante de la classe moyenne mondiale massifiée stabilisée cocoonisée homogénéisée bientôt génétiquement modifiée je leur dis que je suis un agent résistant à l'artéfactualisation du monde, je leur dis que je suis un héros de désobéir à cette immense mascarade, à cette bouffonnerie du monde, le leur donne ensuite tout un tas d'exemples, je suis épuisé. Ras la casquette. (p. 40)

Éric Arlix, Désobéissance, bienvenue à la réunion 359 (IMHO, 2008)

Éric Arlix, né le 27 mars 1969, est éditeur chez ère et a publié :
- Mise à jour (Al Dante 2002)
- Et Hop (Al Dante, 2003)
- Le Monde Jou (Verticales, 2005)

Désobéissance, bienvenue à la réunion 359 est son premier texte pour le théâtre.
La pièce a été jouée au théâtre de l’Estive à Foix en avril 2007 (entre les deux tours de l’élection présidentielle).