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2 : La sérendipité
Avec les jumelles sur la crête on s'accommode de peu
de choses et d'autres vues de l'esprit (le petit bout
à petit feu) le plus clair du temps dans le blanc des yeux
surgissent d'on ne sait quelle tête - des réglages ?
mais c'est lent : la sérendipité est notre seule méthode
reconnue et de loin la bête se rend en un éclair soluble
dans la poudreuse on ne marche jamais vraiment
que dans ses pas - mais c'est vous qui voyez.
(« Le chamois », p. 34)

4 : Le libraire du coin
L'atrophie des hélices c'est juste un coup prémédité
pour faire un peu parler du pigeon au libraire du coin
de l'œil du spectre familier que ses ailes de géant
empêchent comme ça de marcher sur le poète paradoxal
nous avons connu pire - nos ailes à nous de nain rognées
le vol se volatilisait : nous battions dans l'optique
de vaincre une pesanteur qui ne venait jamais des manchots
nous battions pour lui mettre le petit doigt dans l'œil.
(« Le dodo », p. 56)

2 : Sur un pas
Vient de ce que contrairement aux idées reçues les aigles montent
haut le décalage : d'Eschyle à moi (la confusion joue de la tête
et des rochers) le cryptodire précipité traverse injustement l'esprit
au final il n'y a pourtant qu'un pas qu'on mesure sur la plage
dont je parle à mon corps préservé - on dirait qu'il soulève
des questions de méduse - au son si sourdement désintégré
qu'impose ma tortue dans son atterrissage aux mouches
qui piquent les aoûtiens déçus par tant de bruit pour rien (à voir).
(« La tortue », p. 74)

Sébastien Smirou, Beau voir. Bestiaire (POL, 2008)

À propos de ce bestiaire, l'auteur invite dans son blog, Si tu vois ce que je veux dire, à ré-écouter Deleuze et à « taquiner » les figures et les mots : beau programme !

Il sera demain (tout à l'heure, de fait) l'invité des Mardis littéraires de Pascale Casanova, à 10h sur France Culture.

Sébastien Smirou est né en 1972, il est aussi psychanalyste et a publié :
- Simon aime Anna (rup & rud, 1999)
- Mon Laurent (POL, 2003)
- Ma girafe (Contrat maint, 2006)

La couverture est illustrée par François Matton.