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Les jeunes gens en bas de la cité rêvent de mettre le feu.
Mais ils sont comme des torchères
ils brûlent toute la nuit pour rien.

Les jeunes gens sont incandescents.

Ils sont entourés d'un halo bleu qui pâlit quand vient le jour.

Parfois on signale des cas de combustion spontanée.

Leurs ailes sont posées par terre à côté d'eux.
Elles sont en chrome, rutilantes, rivetées
et n'ont jamais servi,
elles rouillent dans un coin

car au-dessus de la cité se croisent les fils de fer barbelés des miradors qui empêchent tout atterrissage et tout envol d'hélicoptère.

Qui n'a jamais croisé, au coin d'une rue, sur la dalle d'une tour ou dans les allées d'une galerie marchande des hommes ou des femmes avec des ailes sanglées dans le dos ?

On leur a coupé le bout des rémiges afin qu'ils ne tentent pas de voler plus haut que le grillage du poulailler.
Mais parfois, les pennes atrophiées de leurs ailes mutilées se rappellent à eux et leur font mal.
Par la douleur qu'ils ressentent à l'endroit de la cicatrice, ils devinent les changements du temps, l'arrivée du printemps ou le début de l'automne et ils éprouvent un pincement de nostalgie pour la vie qu'ils auraient pu connaître.

Ils se souviennent de la promesse qu'ils s'étaient faite un jour
et, bien qu'ils ne volent pas, ils regardent le ciel.

Les ailes sont notre malédiction.

Francis Combes, La Clef du monde est dans l'entrée à Gauche. Poème pour le XXIème siècle (Le Temps des cerises, 2008, p. 19-21)

L'auteur de cette utopie poétique suivie de 50 poèmes-affiches, Francis Combes, est né le 31 mai 1953 à Marvejols, en Lozère. Il a été l’un des responsables de la revue Europe et, de 1981 à 1992, directeur littéraire des éditions Messidor. En 1993, avec un collectif d’écrivains, il a fondé les éditions Le Temps des Cerises, dont il est le directeur.

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