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49.1
Criture.
Certains tentent de préserver leurs paroles en les transformant en traces liquides qu'ils font couler en petits ruisseaux sur des écrans ou des feuilles.

49.2
Les feuilles ne sont pas vertes mais blanches. Le liquide sèche en séchant.

49.3
Parfois ils font un paquet de ces feuilles, qu'ils assemblent en objets durs-mous, sur lesquels les autres peuvent s'asseoir.
(Voir ci-autour.)

(…)

49.19
Dans l'écriture on lisse et on relisse les mots avec une plume, jusqu'à ce que la pensée glisse parfaitement.

49.20
Dans l'écriture on touche et on retouche les mots au moyen d'une souris, jusqu'à ce que la pensée se couche. Parfaitement !

49.21
Dans la belle histoire de la page blanche, ce n'est pas la page qui est vide, ni le cerveau qui flanche, clic, c'est le trou plein qui ne sait où aller.

49.22
Idem écran plat, écran noir, cerveau-planche.

49.23
Vois l'œil du lecteur qui se glisse sous les mots et glisse à son tour sur la pensée lissée.

49.24
Glisse sur feuilles, plage, virginité, cristaux liquides.

49.25
En dépit des efforts paranoïaques des crivains pour protéger les mots de l'usure, ceux-ci se roulent à leur gré dans les louches, sur les écrans, se déformant et s'érodant par tous les bouts.

49.26
En usant des mots, on les use par la tête, et la queue.

Jacques Rebotier, description de l’omme (Verticales, 2008, p. 357-361)

post-scriptum : pour se faire une idée plus précise avant de courir l'acheter, la table et quelques extraits avaient été publiés sur le site d'inventaire/invention.