veinstein_lignes.gif

Lignes de fuite

Le bonheur de danser
dans un espace zébré d'éclairs...

À chaque attaque du pied
je suis pris dans un déluge de feu.
Je dois m'assurer de la fermeté du sol
pour me prouver que je ne rêve pas.
Fouler une piste, c'est aussi faire apparaître
la réalité du sol, tester sa solidité
pour en retirer l'impression que la terre ferme existe,
et même qu'elle tourne rond.

Danser,
c'est prendre pied dans le monde
allégé de tout le poids de sa vie,
de tout ce qui est enfoui dans la mémoire.

J'appelle danser l'emportement qui est le mien
au milieu des lignes de fuite
et de leurs promesses d'horizon.
Pas d'autre raison de vie, je n'en démords pas,
que de se laisser emporter par une danse,
d'en exécuter les pas
au rythme d'enfer d'une musique
qui vous martèle l'assurance
que la mort ne vous a pas pris pour cible.

Alain Veinstein, Le développement des lignes (Seuil, Fiction & Cie, 2009, p. 87)