tout le monde le fait
Par cgat le dimanche 14 janvier 2007, 01:10 - blogs et internet - Lien permanent
Dans « Littérature numérique et cætera », le n° 10 de la belle revue oulipienne Formules (en juin 2006), Frédéric Madre publie « Blog : un chien parmi les chiens, contraintes » (p. 145-149). Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, cet article drôle, provocateur et parfois assez juste est aussi disponible en ligne. Précisons que Frédéric Madre avait créé en 2000 un des premiers blogs francophones, 2balles, dont on trouve des traces dans son site son site Pleine Peau. Son article commence comme ça :
Un homme va mourir, il ouvre un blog. Une femme prend un amant, elle ouvre un blog. Une jeune adolescente pense au suicide, se sent mal dans ce monde, ouvre un blog. Un chien traverse la rue. Il est 12 :27, il est 6 :58 PM, posté à 08 :32 :45 par. Craché par, Balancé par. mardi, 1 février 2005, le jour d’avant, le jour d’après. Un chien traverse la rue. Commentaires. Plus d’infos sur moi. Auteur. Page Suivante. J’observe de ma fenêtre un combat de SDF, la police n’intervient pas. J’update. Commentaires.
Nous sommes d’ignobles personnages, notre faute est grave et nos excuses piteuses car, prosélytes que nous étions de la liberté d’expression et de la simplification de l’accès à la publication sur le web, nous avons engendré une forme parfaite et abominable, à tel point parfaite (et donc, à tel point abominable) qu’elle est devenue indépassable et finira peut être par nous étouffer. Elle nous étouffe déjà, il n’y a plus d’espace, de pratique, qui échappe au blog : il s’applique à tout et tous s’y appliquent. À tel point, donc, que toutes les autres formes d’expression sur Internet en sont abandonnées. Plus d’œuvre, plus de création, des news. Plus d’hypertexte même, tout juste un petit lien parfois qui lui mène encore vers ce qui reste de non blog-isé, parfois, juste un petit texte, une date, une heure, un auteur, informe.
Voilà ce qui constitue le blog, une date une heure un chien qui traverse la rue un auteur qui va mourir. Commentaires. Tout le monde peut le faire, c’est ce qui en constitue le charme, tout le monde le fait, c’est ce qui en constitue le dramatique succès. (p. 145-146)
Serge Bouchardon, qui a coordonné le dossier « Littérature numérique et cætera », propose sur son site des résumés des autres articles, dont plusieurs sont très intéressants.
Commentaires
vachement intéressant le texte Frédéric Madre, questions évidemment qui recroisent celles souvent échangées ici ou jlr (commentaires notamment), ou sur pourquoi la mode de ces blogs préformatés alors qu'on peut se programmer soi-même ses "gabarits" pour reprendre son mot - c'est ma seule interrogation sur cet article : il se cantonne volontairement dans l'espace du blog, alors que quand même il s'y passe autre chose que du chien écrasé - je connais d'ailleurs un vrai blog d'un journaliste localier et ça peut être fascinant : http://reporterducoindru.blog.lemon...
par contre j'aime pas du tout ces aphorismes du genre : "Internet n'aime pas la lecture, l'écran s'y oppose", là je lui trouve un train de retard
en tout cas merci avoir signalé!
Pour ce que j'en lis, ici et sur site, désolé, je ne souscris pas...
je ne souscrit pas non plus à tout ce qu'écrit Frédéric Madre, bien entendu, c'est un article délibérément (est-ce une contrainte?) caricatural (mais très drôle dans son excès même, non?)
je trouve toutefois qu'il a le mérite d'aller à contre-courant du concert bloguesque (?) d'autosatisfaction ambiant
et, comme FB, qu'il pose de très bonnes questions que (tout en contribuant au concert) je ne peux m'empêcher de me poser régulièrement : la standardisation de la forme ; l'uniformisation du contenu même ; la façon dont les informations tournent en boucle en étant reprises d'un blog à l'autre ; les contraintes sociales de l'exercice : les commentaires, l'obligation (parfois agréable parfois pas) de leur répondre, les chaînes comminatoires du type "cinq choses...", etc.
Tu me rassures ! Remarque, je m'en doutais... Ceci dit, on se les pose tous, ces questions.
Et tes 5 choses, alors ?
"comminatoires" ai-je dit ! je n'aime pas cette injonction obligatoire à faire suivre : ça me rappelle quand, enfant, j'étais révoltée que ma grand-mère soit obligée de recopier (à la main!) et de renvoyer en 100 exemplaires une "chaîne" de lettres sous peine de voir le malheur s'abattre sur elle et toute sa famille
de toutes façons personne ne m'a demandé de faire suivre (toi ça ne compte pas parce que tu ne l'as pas fait, le jeu, à moins que j'ai raté l'épisode ?) - ceci dit ça m'a amusé de lire la façon dont les uns et les autres s'en tiraient
En général, les chaînes "comminatoires", je les brise... On a déjà assez d'obligations comme ça !
Bonjour, désolé de ne trouver votre article qu'aujourd'hui et merci de la référence.
Ce que je voulais ajouter, en lisant les commentaires, c'est qu'à aucun moment le chien ne se fait écraser dans mon texte.
c'est important pour moi
merci de passer, même tard ... et de nous rassurer à propos du chien !