caractéristique flétrissure
Par cgat le mardi 20 février 2007, 00:20 - citations - Lien permanent
chez della Francesca : cette caractéristique flétrissure de la plupart des visages et qui ne tient pas tant à la morphologie première (faciès de brutes — naturels dans la soldatesque —, d'empoisonneurs, de bellâtres, de gitons, comme, par exemple, dans la Défaite de Chosroès, le page qui souffle de la trompette, un adolescent à première vue mais, si on l'examine plus longuement, une lourdeur opaque dans le regard, et les poches sous les yeux, l'impassibilité) qu'à quelque chose qui les a prématurément, sournoisement usés, marqués. Comme une tare. La richesse. Ou le pouvoir. Expression semblable sur les photos de vedettes de cinéma ou de milliardaires. Comme une sorte de masque, plaqué. Second visage, en surimpression pour ainsi dire, superposé à des traits originellement beaux. Les femmes (la Vierge elle-même) pourvues de ces yeux aux paupières lourdes, dissimulatrices, à la fente sinueuse à travers lesquelles filtrent, plus fourbes que pudiques, des regards en coin. Leurs lèvres aussi aux moues hautaines, dédaigneuses. Femmes-enfants conscientes de leur prix. Tout d'ailleurs est de prix ici, avec ostentation, insolence : les armures, les vêtements, les couleurs raffinées, les coiffures aux formes extravagantes ...
Claude Simon, La Bataille de Pharsale (Minuit, 1969, p. 153-154)
Commentaires
SOURIRE DE LUNES
Les traits de la première lune semblent toujours grossiers et sans saveur aux yeux de l'homme de la seconde lune, qui dépouille les apparences de leurs revêtements frustres et sans attrait. Mais même lui pourtant, qui a déjà ôté une couche à son déguisement de pacotille, n'est encore qu'une ombre opalescente qui se réverbère sur les tapis de velours de la nuit. L'inversion de la portée des directions visuelles élimine aussi les décors de satin nocturne pour ne laisser vibrer que la fragrance unique du son amoureux qui s'émerveille dans la dilatation des solfèges de l'harmonie et repasse une surimpression de teintes de joie sur les ruines, juste pour le plaisir du sourire.
je n'ai pas lu la bataille de Pharsale.
Qu'il sait bien regarder ! la flétrissure des visages chez Piero c'est parfaitement vrai et je ne me l'étais jamais formulé
Depuis quelques jours, vos vacances, je les suis pas à pas.
Aujourd'hui, n'y tenant plus de vouloir participer (toujours étrange cependant cette envie d'intelligence), je songe d'abord à F. Bacon pour la superposition des visages/faces présentée par Deleuze, puis et surtout à un autre texte de Claude Simon, "Sous le Kimono". S'y trouve décrit un ticket :"Plaçait en guise de signal sur le rebord de la fenêtre un de ces pots de cuivre jaune de mauvais goût martelé camelote comme on en achète dans les magasins du genre souks tunisiens ce qui signifiait qu'elle était libre c'est-à-dire en quelque sorte que la voie (je pensais à cette mince et dure fissure ouverte dans sa chair) était libre et je savais alors feignant de muser dans la rue que je pouvais monter la trouvant presque toujours traînant d'une pièce à l'autre demi-nue insoucieuse de son corps ses seins semblables à des bourgeons se poussant forçant l'écorce de ce kimono décoré de fleurs et d'oiseaux acheté lui aussi ou gagné dans une de ces baraques ou loteries à l'enseigne exotique ces billards japonais où les lots s'obtiennent à force d'accumuler jusqu'à un nombre impressionnant les tickets verts ou rouge en carton usé, les coins cassés effrités pour ainsi dire parfois traversés là où on les avait pliés ou plutôt cassés de lignes cicatrices grises à ramification ou plutôt radicelles comme les lignes de la main".
Pour revenir à Deleuze décrivant des micro-fèlures sur une assiette, dont j'ai perdu (je la cherche) la référence. Y était-il question de Venise ?
Et puis surtout, retourner à Claude Simon dont je ne connaissais pas ce texte sur Piero, lequel Piero est depuis des lustres un peintre aimé. C'était seulement dire le plaisir de découvrir le détail de ce tableau aujourd'hui et ce texte.
je tente plusieurs fois d'inscrire quelque chose dans le commentaire. Rien ne passe. Ce rien passera peut-être.
désolée Alain, mais étant en vacances j'ai passé temporairement les commentaires en mode "modéré" c'est à dire qu'il ne passent que quand j'ai une connexion et les libère...
cela me fait plaisir de vous faire découvrir (ainsi qu'à Brigetoun) ce beau passage de Simon sur Piero (qui est aussi un de mes peintres préférés) : Simon en parle beaucoup dans "La Bataille de Pharsale", ainsi que d'Uccello, notamment ... quand à Bacon on le trouve dans "Triptyque"
Le texte est ponctué ainsi...? Curieux, aucun souvenir. La bataille de la phrase remonte, pour moi, à 1993 (ça fait un bail).
Superbe billet, en tout cas !
oui Guillaume, le texte est bien ponctué ainsi (je viens de comparer avec l'original chez Minuit (votre remarque m'a toutefois permis d'enlever la majuscule initiale, indûment ajoutée par word) ... je n'ai pas la Pléiade ici mais je vérifierai à mon retour à Paris) : la ponctuation joue souvent chez Simon un rôle très intéressant : par curiosité, puis-je savoir ce qui vous étonnait dans la ponctuation de ce passage ?