le miroir ment
Par cgat le mardi 21 août 2007, 00:01 - écrivains - Lien permanent
Réfléchir, se réfléchir tel qu'on se voit dans son miroir intérieur, être au plus près possible d'une réalité ressentie, voilà ce qui me semble être la quête de tous ceux qui ne se ressemblent pas, de tous ceux qui pensent qu'il est une évidence : le miroir ment. (p. 19)
Elle vivait de ses habitudes, pas exactement avec des rites, non. Elle s'arrangeait. À cette époque, elle fumait à la fenêtre, à cause de l'odeur. Tout était organisé en fonction de la fenêtre, un bras dehors s'il faisait froid. Le matin, le café se trouvait sur le réfrigérateur à main gauche, une cigarette, le bras coincé au-dehors par la fenêtre, à main droite. Le shampoing, puis la fenêtre avec la serviette sur la tête. Se coiffer, mettre la crème, puis la fenêtre. La douche et vite un bras dehors. À cette époque, elle vivait un bras dedans, un bras dehors. (p. 33)
Elisa ne savait plus comment faire avec cette histoire de dégât des eaux. Si seulement il était possible de déménager encore. De foutre le camp. La présence du second feuillet agissait comme une menace. Elle avait eu tort pour Madame Yo, surtout pour la lettre, de l'écrire. La logique était respectée. Comme dans les films de Rohmer, A entraîne B qui entraîne C. Pas de retour en arrière possible. La machine était lancée. Oublions C. Oublions B. Elle ne portait pas sur elle une odeur de tabac. Elle ne fumait pas. Elle fumait ? C'était faux. (p. 38)
Elisa Pratte était très occupée avec cette nouvelle donnée qui consistait à faire coïncider l'apparence et la réalité. Sa perception du réel différait de celle des autres, elle était seule dans ce cas. Il fallait corriger ce sens défaillant. (p. 103)
Elisa n'aimait pas qu'on la dérange. Le temps consacré aux autres était dans le tronçon du travail, elle était disponible et compétente dans ce cadre. Dans ce qui lui restait d'espace, elle n'aimait pas qu'on la dérange. Elle préférait décider du moment et de la fréquence de ses repas avec ses amis, tous les appels étaient synonymes de contraintes. Elle ne savait pas dire non. (p. 107)
Emmanuelle Peslerbe, Un bras dedans, un bras dehors (Éditions du Rouergue, 2007)
Un bras dedans, un bras dehors est le premier roman, énigmatique et ambigu, écrit dans une langue sobre et elliptique, d’Emmanuelle Peslerbe, née le 23 mai 1962 à Nantes et qui exerce par ailleurs la profession de kinésithérapeute.
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