s'il n'y avait plus d'éditeur
Par cgat le lundi 29 octobre 2007, 00:20 - écrivains - Lien permanent
(...) ce que c'est un créateur ça je sais ce que c'est un
créateur toi aussi tu sais ce que c'est un créateur et
lui aussi il sait ce que c'est un créateur et elle et nous
et vous et ils on sait ce que c'est un créateur ça on
sait hein je parle d'un éditeur un éditeur c'est quoi
c'est quelqu'un qui édite c'est ça c'est quelqu'un qui
publie c'est quelqu'un qui édite c'est quelqu'un à qui
on envoie un projet un objet un texte un livre c'est
quelqu'un à qui un créateur s'adresse un créateur ne
peut s'adresser qu'à un éditeur sinon ce n'est pas un
créateur pour créer on est seul mais pour être créé il
faut un édit un éditeur une édition sans édition le
créateur est un artisan au mieux avec un violon
d'Ingres forcément d'Ingres il faut passer par l'édit par
l'éditeur par l'édition pour devenir un créateur sans
violon avant l'éditeur avant la caution de l'éditeur qui
prend l'objet le texte le livre et l'édite même en édition
limitée même limitée parce qu'on n'est pas non plus
Amélie Nothomb on n'est pas non plus Philippe Starck
qui éditent à combien à combien de milliers de millions
ça va et Houellebecq et les autres combien ils sont en
tout quoi dix ou vingt ou dix autres en tout dans
l'édition pas limitée celle montrée sans violon celle
qu'on montre partout t'en as plein les premières
pages les pages idées les têtes de gondole tu les vois
partout et t'achètes ça qu'on te montre partout c’est
le syndrome de l’entonnoir (…)
mais la pauvreté j'ai tu as on a les créateurs on a
donc je on cherche un édit une édition un éditeur c'est
quoi un éditeur pour oublier Ingres c'est qui c'est quoi
un éditeur quelqu'un qui a des couilles qui a l'instinct
qui ne regarde pas que son chiffre d'affaires sa marge
brute son bilan de fin d'année et les parts de marché
ou pas que ça en tout cas pas que ça non pas que ça
ça aussi mais pas que ça mais aussi qui a l'instinct les
couilles de croire en un projet un objet un texte un
livre ton livre ton talent ton avenir ton passé tout de
toi qui croit en tout de toi qui croit en toi et en tout de
toi parce qu'avant l'éditeur on n'est pas un créateur
on n'est pas un créateur on n'est rien c'est ça on n'est
rien et si on ne trouve pas d'éditeur parce que par
exemple parce qu'il n'y aurait plus d'éditeur si par
exemple par hasard il n'y avait plus d'éditeur par
exemple je pose la question mais des marchands s'il
n'y avait plus d'éditeur je pose la question s'il n'y avait
plus d'éditeur parce que l'entonnoir entonne s'il n'y
avait plus que pour deux trois objets livres de la place
s'il n'y avait plus de place s'il n'y avait plus de place
que pour trois deux livres objets s'il n'y avait plus pour
la création s'il n'y avait plus
Emmanuel Adely, Édition limitée (Inventaire/Invention, 2007)
On trouve aussi chez Inventaire/Invention, éditeur (il y en a encore quelques uns!) en papier et en ligne : J’achète – emo ergo sum (2007)
Emmanuel Adely est né à Paris en 1962.
Il a publié :
Les Cintres (Minuit, 1993)
Dix-sept fragments de désirs (Fata Morgana, 1999)
Agar-agar (Stock, 1999)
Jeanne, Jeanne, Jeanne (Stock, 2000)
Fanfare (Stock, 2002)
Mad about the boy (Joëlle Losfeld, 2003)
Mon amour (Joëlle Losfeld, 2005)
voir aussi en ligne : un entretien (Zone littéraire, 2005)
Commentaires
"parce qu'avant l'éditeur on n'est pas un créateur on n'est pas un créateur on n'est rien c'est ça on n'est rien"
Gros désaccord, bien sûr, sur ce sujet. C'est LE point d'articulation littéraire entre ancien et nouveau paradigmes, aujourd'hui. Je ne dis pas qu'il ne faut pas d'éditeurs...
Mais la survalorisation de l'éditeur n'est-elle pas, de la part d'un auteur, un symptôme... d'infantilité ?
me semble pourtant que sans éditeur pour passer du texte au livre il n'y a pas d'auteur, comme sans auteur,même un semblant d'auteur très guidé, l'éditeur ne peut faire un livre.
Même si c'est un petit peu "chansonnier" j'aime bien le syndrome de l'entonnoir
Je ne devrais peut-être pas l'écrire, car ne connaissant pas les écrits de l'auteur ni l'ayant lu et de quel droit etc. Mais peu pas m'en empêcher. Bah, pour ce que vaut mon jugement... Qui est ici l'expression d'une impression - un questionnement - plutôt que d'un jugement d'ailleurs. Mais questionnement tenace. Voilà : j'ai, à la lecture de ce texte, éprouvé une certaine irritation, quelque chose de l'ordre de l'indigestion, de même qu'à la lecture récente d'autres textes, d'autres auteurs, si semblables, usant comme ce dernier des mêmes procédés - progression par répétition, par réitération et ressassement, usage de synonymes apposés, absence de ponctuation, fausse naïveté, pensée "simple", volontairement plate, comme écrite à vue, à fleur de peau, souvent circulaire, évoluant par l'action presque physique des mots, tournant autour d'un thème, à l'arrivée machine à produire du texte etc. - ceux-là mêmes, parce qu'à l'époque ils n'étaient pas encore des procédés, pour plusieurs raisons, d'abord liées à la démarche même de l'auteur, à sa vie, à l'absence de systématisme, à cette nouveauté de l'usage de la langue, qui paraissait tout à coup évidente, étonnant emballement de la langue, et qui m'avaient ébloui à la lecture - et audition - de Christophe Tarkos. Est-ce que cette impression vous paraît juste ? J'éprouve, si vous voulez, le même sentiment d'énervement à la vue des peintures ou installations qui convoquent les sempiternels mangas, japon(i)aiseries qui ont du coup perdu bcp de leur impact... Je suis prêt à réviser cette impression, qui n'a encore une foi aucune valeur de jugement... Me voilà bien embarrassé dites donc
brigetoun et Berlol, il me semble que dans ce texte Adely s’interroge aussi, à sa façon, sur la nécessaire existence de l’éditeur :
nous sommes très certainement en un point d’articulation, mais il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, dans l’immense majorité des esprits, qui écrit même magnifiquement sans publier un « livre » reste comme le dit très bien Adely « un artisan au mieux avec un violon d'Ingres forcément d'Ingres », et ce en dépit du fait que la majorité des « livres » passé par l’entonnoir de l'édition ne sont absolument pas écrits …
JFP, vous posez (comme souvent) des questions complexes et imbriquées …
il me semble difficile aujourd’hui de reprocher à un écrivain d’utiliser un procédé qui n’est pas très nouveau : tout ou presque a été fait et expérimenté dans les années 70-80 ; d’ailleurs c’est très injuste (car rétroactif), mais quand je (re)lis les textes de cette époque j’éprouve aussi parfois cette impression d’indigestion dont vous parlez
j’essaie donc pour ma part de passer outre cette impression et de me demander plutôt si le procédé convient au propos, et si le texte que je lis m'apporte à moi quelque chose de nouveau
là il me semble que ça colle assez bien, en outre ce texte d’Emmanuel Adely est d’abord écrit pour être lu en lecture publique, enfin ses autres textes sont assez différents : « J’achète », qu’on peut également lire en ligne, est un inventaire à la Perec de dépenses quotidiennes auxquelles se mêlent des notations d’actualité, que je trouve assez savoureux également, même si ce procédé là non plus n’est pas franchement nouveau
enfin je note que vous n’aimez pas les « japon(i)aiseries » ! c’est votre droit … moi j’aime beaucoup, même et surtout si on les a beaucoup vues, ce qui leur confère un statut d’icônes …
plus largement, il me semble que dans notre époque post-post-moderne, le « nouveau » a perdu de son impact aussi en matière d’images : chercher le « nouveau » à tout prix n’engendre plus guère que de la provocation un peu lassante et tellement bien-pensante au fond ... reste pour qui crée ou écrit à trouver un autre « pourquoi » ...
Vous avez raison, il est idiot de reprocher quoi que ce soit à un écrivain. Il y a des reflexions qui ne valent que parce qu'on les garde pour soi...
Reste que le 'nouveau' est aujourd'hui effectivement vite périmé, immédiatement recyclé, alimentant en temps réel la machine à rêver du nouveau capitalisme - "déchetisée" comme dirait Z. Bauman. En est un bon exemple l'imagerie japoneisante dérivée de l'iconographie manga, dont l'aspect subversif se constitue dans ce mélange de mièvrerie-monstruosité - qui semble par ailleurs être à l'oeuvre dans maintes propositions artistiques du moment (rappel morbide des vanités d'antan, qui s'adressaient déjà au bourgeois confit dans ses propriétés ?)- et qui se trouve partout, jusque dans les publicités SNCF et Ikéa. A quand la pub basée sur le procédé littéraire du ressassement ?
ce n'était ni idiot ni inintéressant, bien au contraire ! revenez donner votre avis quand vous voulez
quant au recyclage - remixage il n'envahit pas que la pub ! il me semble parfois que c'est l'une des caractéristiques principales du style de notre époque : on peut le regretter, s'en agaçer - on peut aussi faire avec et même y trouver de l'intérêt, me semble-t-il
je suis particulièrement adimrative de la lucidité dont vous faited preuve :)