paysage avec ruines
Par cgat le mardi 6 novembre 2007, 01:36 - édition - Lien permanent
L’appel de Léo Scheer au « soulèvement de la blogosphère » et à la création de prix littéraires alternatifs ne me convainc guère.
En effet tout à l’heure c’est le tour du prix Décembre, jadis « Novembre » qui se voulait au départ « une sorte d'anti-Goncourt. En pleine période de remise des prix d'automne, il tente de diriger les projecteurs de l'actualité littéraire sur un livre, roman ou essai, publié en marge des circuits commerciaux. »
Je voterais volontiers, dans la sélection retenue, pour le Cendrillon d’Éric Reinhardt, mais Nelly Kapriélian (Inrocks, 621, 23 octobre) m’enlève mes illusions :
« (…) on annonce déjà que c’est lui (Yannick Haenel) qui recevra le prix Décembre 2007, confortablement doté de 30 000 euros, puisque son éditeur, Philippe Sollers, qui est aussi membre du jury de ce même Décembre (eh oui !), a réussi à faire éliminer son seul concurrent sérieux, encore une fois l’auteur de Cendrillon. Ajoutons que parmi les jurés du Décembre, on compte aussi Frédéric Beigbeder, Arnaud Viviant et Dominique Noguez, tous trois très attachés à Sollers (…) »
Pour en rajouter dans ce tableau sinistré, je lis ce constat désabusé de Jean-Michel Maulpoix :
« Il n’y a plus de place dans la France d’aujourd’hui pour une revue littéraire trimestrielle de qualité paraissant chez un éditeur de taille modeste, disposant de peu de moyens et peu soutenu par les institutions nationales ou régionales.
Une centaine d’abonnés et quelques ventes en librairie ne suffisent pas pour maintenir en vie cet objet désormais perçu comme archaïque par beaucoup. Si l’on ajoute à cela le désintérêt complet des médias pour une publication qui ne transporte pas dans ses pages l’esprit de polémique mais qui se montre simplement soucieuse de garder vivante et présente une certaine idée de l’écriture supposant autant d’exigence et de rigueur que d’esprit d’ouverture, alors on comprend que 23 ans d’existence c’est déjà beaucoup : presque un miracle !
On arrête. Le numéro 85 qui sortira dans quelques semaines sera le dernier numéro « papier » du Nouveau recueil.
On arrête. Mais on continue. Avec les moyens du temps : une nouvelle revue électronique sera bientôt en ligne (…) »
Bienvenue, donc, et très longue vie au Nouveau Recueil en ligne.
Et un extrait (tout frais) du blog d'Éric Chevillard pour apprendre ce qui s'est vraiment passé (et en rire!) :
« Il aura donc fallu que je les menace de sanglantes représailles et de veiller moi-même désormais sur leur lente agonie ; puis encore que je leur laisse entendre en jouant avec un couteau que je connaissais les noms et les adresses des écoles fréquentées par leurs arrière-petits-enfants : les jurés Goncourt ont finalement renoncé à m’attribuer leur prix et reporté leur vote au hasard sur un pauvre zigue qui traînait dans le coin. Je lui présente toutes mes excuses, mais chacun pour soi dans la jungle des Lettres. »
Commentaires
à quoi bon en effet d'autres prix puisque pour le "grand public" il n'y en a que trois ou au mieux quatre qui comptent
Comme en effet il (je) ignore l'existence des 9/10° des revues
Je rêvais, quelle folle !, hier d'un Goncourt attribué à un livre de poésie... par exemple l'inouï Narré des Iles Schwitters de Patrick Beurard-Valdoye, voilà un livre, voilà du grain à moudre pour la tête, pour le coeur, voilà de quoi penser poésie, art, histoire, de quoi réfléchir à la guerre et à l'exil, à la non adéquation entre liberté artistique et régimes politiques (en l'occurrence le pire puisqu'il s'agit du nazisme). Mais c'est vrai que le livre est un peu difficile à lire, trop riche sans doute, trop fort. Je publierai prochainement sur Poezibao une note concernant ce livre que j'ai déjà présenté, dont j'ai publié un extrait et j'espère pouvoir aussi réaliser un entretien avec Patrick Beurard-Valdoye.
Evidemment, c'est à Eric Chevillard que le jury sénile du Goncourt aurait dû attribuer son trop célèbre prix. En nous prévenant de la perte du grand singe, il réveille les consciences et s'affirme, une fois de plus, comme une métempsychose de Michaux (matinée légèrement du Beckett dépeupleur).
Gloire à Chevillard! (et avant sa mort si possible... Et puis qu'il arrête, cette andouille, de foutre les jetons à tous les jurés de tous les prix littéraires. Il m'énerve à la fin! ;-)