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« Tonton, qu'elle crie, on prend le métro ?
- Non.
- Comment ça, non ? »
Elle s’est arrêtée. Gabriel stoppe également, se retourne, pose la valoche et se met à espliquer :
« Bin oui : non. Aujourd’hui, pas moyen. Y a grève.
- Y a grève ?
- Bin oui : y a grève. Le métro, ce moyen de transport éminemment parisien, s’est endormi sous terre, car les employés aux pinces performantes ont cessé tout travail.
- Ah les salauds, s’écrie Zazie, ah les vaches. Me faire ça à moi.
- Y a pas qu’à toi qu’ils font ça, dit Gabriel parfaitement objectif.
- Jm’en fous. N’empêche que c’est à moi que ça arrive, moi qu’étais si heureuse, si contente et tout de m’aller voiturer dans lmétro. Sacrebleu, merde alors.
- Faut te faire une raison », dit Gabriel dont les propos se nuançaient parfois d’un thomisme légèrement kantien.

Raymond Queneau, Zazie dans le métro (Œuvres complètes, 3, Gallimard, Pléiade, p. 563-564)

Chaque fois que, tout en comprenant les ératépistes en grève, j'en ai marre, pourtant, sportive et en bonne santé comme je ne suis absolument pas, de devoir utiliser mes pieds pour aller bosser plutôt que de « m’aller voiturer dans le métro », je pense au « me faire ça à moi » de Zazie et au « thomisme légèrement kantien » de ce cher Raymond : ça aide !

... et ça me console des propos imbéciles tenus par les « usagers pris en otage » soigneusement sélectionnés par les médias à la botte : « prise en otage mon cul ! » comme dirait la p’tite, ou bien prise en otage par le gouvernement refusant de négocier et les médias me répétant jusqu’à plus soif ce qu’en tant qu’usager je me dois de penser.