du moi confus et aphasique au moi informé
Par cgat le dimanche 30 décembre 2007, 00:08 - citations - Lien permanent
Écrivain : quelqu'un qui croit sentir que quelque chose, par moments, demande à acquérir par son entremise le genre d'existence que donne le langage. Genre d'existence dont le public est le vérificateur capricieux, intermittent, et peu sûr, et l'auteur le seul garant fiable. Le public est un réseau qu'on peut toujours court-circuiter sans que rien d'essentiel au phénomène littéraire s'annule : le voyant-témoin qui s'allume dans la cervelle de l'auteur est nécessaire et suffisant. Le courant qui passe au fil de la plume ne va vers personne ; il faudrait en finir une bonne fois avec l'image égarante des « chers lecteurs » levés à l'horizon de l'écritoire et de l'écrivain, ainsi qu'à celui d'un orateur public la foule dans laquelle il transvase la liqueur enivrante. La littérature va du moi confus et aphasique au moi informé par l'intermédiaire des mots, rien de plus : le public n'est admis à cet acte d'autosatisfaction qu'au titre de voyeur, et généralement contre espèces - et c'est, je le concède, dans cette affaire, le côté peu ragoûtant.
Julien Gracq, En lisant en écrivant (Corti, 1980, Gallimard, Pléiade, 2, 1995, p. 667)
Commentaires
Gratuité d'Internet (une fois défalqués les frais d'abonnement à un "opérateur") qui nous permet d'accéder, ici tous les jours - ce pourrait être un exercice de style se poursuivant jusqu'en 2008, le mois d'arrêt relevant de la décision de Cgat... - à des extrais du toujours présent Julien Gracq.
je ne compte pas épuiser l'oeuvre complète de Gracq, rassurez-vous !