les fesses de sartre
Par cgat le samedi 5 janvier 2008, 00:20 - vraie vie - Lien permanent
Certainement, il ne faut pas croire qu'il suffise de modifier sa condition économique pour que la femme soit transformée : ce facteur a été et demeure le facteur primordial de son évolution ; mais tant qu'il n'a pas entraîné les conséquences morales, sociales, culturelles, etc. qu'il annonce et qu'il exige, la femme nouvelle ne saurait apparaître ; à l'heure qu'il est elles ne se sont réalisées nulle part, pas plus en U.R.S.S. qu'en France ou aux U.S.A.; et c'est pourquoi la femme d'aujourd'hui est écartelée entre le passé et l'avenir ; elle apparaît le plus souvent comme une « vraie femme » déguisée en homme, et elle se sent mal à l'aise aussi bien dans sa chair de femme que dans son habit masculin. Il faut qu'elle fasse peau neuve et qu'elle se taille ses propres vêtements. Elle ne saurait y parvenir que grâce à une évolution collective.
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe (1949)
Parce qu’on n’imagine pas un numéro spécial du NouvelObs avec en couverture les fesses de Sartre … nous sommes en 2008, l'U.R.S.S. n'existe plus, mais ce n’est pas encore gagné, petites sœurs ... le pire est que sans doute l'intention est « bonne » : montrer qu'on peut être intellectuelle et « bien foutue » (expression entendue tout à l'heure) !
post-scriptum à l'usage de ceux qui ne liraient pas les
commentaires :
la photographie d'Art Shay (disponible ici) a, circonstance aggravante, été dûment retouchée, comme le démontre l'analyse magistrale de Philippe De Jonckheere.
post-scriptum au post-scriptum : lassitude ...
post-scriptum 3 : un entretien, non moins magistral
Commentaires
peut être plus une question de degré qu"une différence radicale. Les "laides intelligentes" ont toujours eu un certain succès, encore faut-il arriver à forcer le regard.
J'ai toujours pensé que ce magazine n'était rien de plus qu'une collection de prospectus publicitaires...
Ah, ce collectivisme... On n'imagine pas non plus une couverture du Vieil Obs avec les couilles de Simone...
L'auteur du "Deuxième sexe" aurait sans doute envoyé à Jean Daniel un petit mot bien senti sur l'utilisation marchande de cette photo.
Difficile d'échapper à la récupération impudique !
Sartre lui-même, qui n'avait plus le droit (sur une affiche de la BnF à l'occasion du centenaire de sa naissance), d'être montré en photo avec une cigarette à la bouche (la société hygiéniste : horizon indépassable de notre temps !), serait, lui aussi, monté au créneau : ne pas confondre "La Cause du peuple" avec la "Cause du cul, ma tête est malade".
c'est seulement ce soir à 19h que je comprends le sens et l'utilité du post Lignes de Fuite lu ce matin 7h... faudrait que j'élargisse mes lectures ? ! quelle répugnerie - fier par procuration de cette réaction, ici et de cette façon...
Houlala !
Aurait-on brûlé une sainte ? Et si découvrant la solide et nue architecture d'un corps, on parvenait à comprendre mieux encore l'acier en quoi est trempé la pensée de la dame ?
Ce qui n'est point fin mais vulgairement mercantile, c'est effectivement d'avoir publié cette image en couverture.
Je crois qu'on a pas plus envie de voir les fesses de Sartre que d'imaginer le Jean-Paul écrivant des lettres de midinette comme l'a fait le Castor à Nelson Algreen.
Est-t-il macho de dire qu'il y a des limites à l'égalité?
Mon commentaire n'est pas passé... est-ce parce que j'avais dit un gros mot ?
Joël, si l'égalité a des limites ce n'est plus l'égalité, me semble-t-il
non que particulièrement envie de voir les petites fesses de Sartre (la beauté de son côté face me suffit!) : ce que je voulais dire c'est qu'il ne viendrait à personne (ou bien à Charlie Hebdo, peut-être) l'idée de les mettre en couverture
Jacques André, la sainteté n'a rien à voir dans cette affaire : la photo est belle, la dame aussi, mais je ne vois pas du tout le rapport avec la pensée
d'ailleurs je me demande si la photo n'est pas un peu photoshopée (ce qui serait encore pire!) car le tirage que l'on trouve dans la page où j'ai trouvé la petite fille boudeuse (d'avance lassée à l'idée de devoir "devenir" femme ?) est moins flatteur :
http://autourdebeauvoir.net/photos....
f, merci de relayer mon mouvement d'humeur ! vous avez raison, mon post n'était pas très clair, juste une réaction épidermique (si j'ose dire) dont je pensais que les liens l'éclairaient
C. vous avez entièrement raison d'être réactive et comme vous vous en doutiez bien, l'image avant d'être insérée dans la maquette a subi d'assez gros travaux dans un programme de retouches d'images numériques. Voilà (http://www.desordre.net/blog/blog.p... ) ce qu'il faut faire en partant de l'image de départ d'Art Shay pour arriver à cette image de tabloid.
Amicalement
Phil
un très grand merci, Philippe, pour cette analyse magistrale, documentée et drôle qui confirme mon sentiment : jamais le terme de "peigne-culs" par lequel vous concluez ne s'est imposé avec autant d'évidence !
on en deviendrait malpolis tous ensemble... et le rôle confié à Benazir Bhutto dans le bandeau recouvrant l'image pour faire vendre...
d'ailleurs, l'égalité étant surtout recherchée ces derniers temps dans le nivellement par le bas, je ne peux que vous conseiller, messieurs les écrivains qui me faites l’honneur de lire ce blog, de planquer les vôtres : qui sait comment votre centenaire sera célébré …
Alina, désolée, je viens de libérer vos deux commentaires, qui étaient restés bloqués dans mon filtre à spam, où je ne les avais pas répérés : c'est lui qui n'aime pas les gros mots !
Pour moi, tout le monde a des fesses et je ne vois pas ce qu'il y aurait de particulièrement scandaleux à les voir — à défaut de les montrer.
Le problème vient doublement d'un média qui juge : 1. que montrer les fesses d'une femme philosophe permet de focaliser, voire de valoriser son engagement féministe (à la façon d'un Polnareff disant merde à ses détracteurs), alors que Beauvoir n'a jamais agi de la sorte ; 2. qu'il est nécessaire, et c'est le plus grave, de retoucher la photo pour avoir des fesses plus "sexy", permettant donc de mieux vendre la marchandise, i.e. le magazine.
nous sommes d'accord, Berlol ...
(je dirai même que l'extrême justesse de ton constat : "tout le monde a des fesses", me laisse sur le cul !)
je viens de voir que votre billet, Philippe, était cité par rue89 :
http://www.rue89.com/2008/01/07/le-...
et que vous aviez aussi, Dominique, donné votre point de vue
http://dominiquehasselmann.blog.lem...
en l'occurrence, Rue89 a fait mieux : reproduire la couv du NObs au cas où, puis le titre "excite la blogosphère", merci le débat d'idées et sélection des extraits (il n'y a que l'extrait PDJ à avoir gardé de la virulence) comme si tout ça était vu de l'extérieur, des mouches dans un bocal - la "blogosphère", en tout cas ici, est nettement plus excitante qu'excitée
Merci cgat, et pour le lien... Du coup j'avais fait une petite note chez moi, mais je manque de conviction pour me battre sur cette lamentable histoire, de même que sur l'erreur fondamentale de Simone de Beauvoir à mon sens. De toute façon tout ça sent la commémoration et la mort, nos enjeux sont autres que ceux d'une bourgeoise des années 40, mais non moins cruciaux - comme en politique mieux vaut inventer que de consulter les vieilles recettes.
A quoi reconnaît-on un macho impuissant ?
Le macho dans la pleine splendeur de sa puissante bêtise vous dit : "La femme est inférieure à l'homme". Il le fait sans s'encombrer de détours parce qu'il en a le pouvoir.
Face à la femme qui lui explique sérieusement : "La terre n'est pas plate, ni les hommes supérieurs aux femmes, blablabla", le macho impuissant trépigne sur
place et retourne 7 fois sa langue dans sa bouche, avant de lui lancer : "Vous savez que vous êtes très belle lorsque vous êtes en colère ?"
Il se dissimule par peur d'être ringard. Il prétend rendre hommage.
A quoi reconnaît-on un média macho impuissant ?
Le média macho dans la pleine splendeur de sa puissante bêtise aligne des femmes-objets sexuels à longueur de page ou d'écran. Il le fait sans détours
parce qu'il en a le pouvoir et assume de gagner son salaire sans avoir eu à faire suer un seul de ses neurones.
Face au centenaire de la naissance d'une philosophe, le média macho impuissant trépigne. Il veut être de la danse et avoir sa quote-part des hommages. Mais un
philosophe femelle, tout de même ! Si plus rien n'est à sa place, la vie perd tout sens ! Alors il cherche, il cherche, il cherche. Puis il trouve : une photo
de la philosophe à poil, oui, et en couv !
Il se dissimule par peur d'être ringard. Il prétend rendre hommage.
Que prescrire aux machos impuissants ?
Une cure de silence...
C. suite de la suite de la suite, hier j'étais interviewé sur le sujet par Pazcal Bernheim dans le cadre de son emission Médialogues sur la Radio Suisse Romande: http://www.desordre.net/blog/blog.p...
Amicalement
Phil
Lamiel : merci pour cette démonstration imparable !
sur l'image de la femme qui écrit, j'invite aussi ceux qui ne l'ont pas encore fait à lire "King Kong Théorie" de Virginie Despentes, qui vient de sortir en poche ; j'en avais repris quelques extraits là :
http://blog.lignesdefuite.fr/post/2...
bravo, Philippe, j'applaudis et j'invite tout le monde à écouter cet entretien !
j'aime beaucoup la façon dont vous avez repris, avec les arguments qu'il fallait, mon indignation de départ, en lui permettant de faire tache d'huile ; j'aime aussi la manière retenue et rageuse à la fois dont vous présentez tout cela (votre expression : "même elle on se l'est faite" est éminemment juste)
... et merci beaucoup aussi de me citer, ce que vous n'étiez pas obligé de faire !
lien vers l'émission Médialogues (chercher "En pâture Simone!")
http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogu...
Bad François dans Le Portillon : "La pesanteur de Simone, la disgrâce de mon époque"
http://leportillon.com/La-pesanteur...
Plutôt que l'autoroute à six voies des hommages qui se font à Beauvoir, je trouve très engageante (et engagée) ta proposition de tangente vers Despentes !
Ça me rappelle aussi quelques belles citations :
http://www.berlol.net/dotclear/inde...
"l'analyse magistrale de Philippe de Jonckheere" :
ouvrons un peu les yeux !
l’analyse de l’image faite par Philippe de Jonckheere (désordre.net) est exellente, mais il y manque un élément important : retouche oui mais aussi montage, ce qui est il me semble plus grave : en effet à gauche de l’image une belle porte en bois à été ajoutée ! c’est la goutte d’eau, on s’imagine la Beauvoir dans un appart’ de luxe…
enfin ça c’est si on se fie à l’original, tel qu’il circule sur internet (sic ! ) : l’image aurait alors été élargie sur la gauche et recadrée à droite.
à part ça, je trouve la réaction des chiennes de garde inoffensive, car elle ne se base pas sur suffisamment d’analyse pour mettre en évidence la complexité de cette affaire.
si si, je vous jure !
quelle complexité ?
en tout cas leurs fausses affiches "on veut voir les fesses de Sartre" était rigolotes :
http://www.chiennesdegarde.com/nouv...