La sœur dit à B : Tu dois t'aménager une porte de sortie. Alors on peut faire ça, s'aménager des portes de sortie ? Les portes de sortie existent. Les portes de sortie servent à sortir des impasses. Dans la vie, on s'aménage des portes de sortie. Tout le monde le fait. Il n'y a pas de honte à s'aménager des portes de sortie, ça n'est pas mesquin d'envisager des fuites possibles. On le fait pour autrui. En aménageant une porte de sortie, on évite à autrui d'aller trop loin, on évite le pire, en quelque sorte on le protège. On protège autrui d'un acte irréparable. À autrui aussi, on aménage une porte de sortie. En s'aménageant une porte de sortie, on aménage à autrui une porte également. On n'agit pas dans la vie comme s'il n'y avait pas de sortie possible. Agir comme s'il n'y avait pas de sortie possible, c'est irresponsable, comme pousser autrui à la perte.

Avec les autres (famille de fonctionnaires gauchistes, amis bien-pensants oints de bons sentiments), B ressemble à un singe, A ne la reconnaît pas, c'est fou. Plus grand monde ne vient.

Sauver sa peau, tout le monde peut le faire. Elle va s'élever avec ses grands sentiments.

Sarah Cillaire, 10 fois en moyenne (publie.net, 2008, p. 35-36)

Ce beau récit de Sarah Cillaire sur la violence au quotidien dans le couple fait partie des « formes brèves » contemporaines proposées par publie.net au prix de 1,3 €.

Sarah Cillaire est doctorante en littérature générale et comparée et chargée de cours à l’Université Paris 3
elle a co-fondé la revue Retors, dans laquelle on peut lire de précédents textes :
« Scène blanche » et « J’ai fait des progrès en tant qu’être humain »