le glas de l'excommunication
Par cgat le mardi 17 juin 2008, 01:16 - écrivains - Lien permanent
Tout le monde a pris place face au jury privé de son pater dolorosus et voyant le trio bancal se tenir debout derrière la table les assis se lèvent comme à la messe, c'est l'heure enfin de la dire. Et voici que par la bouche de Patrick Canis lentement, solennellement sonne la sentence : Le jury dont j'ai été désigné président... vous décerne le grade de docteur... avec la mention... Très Honorable...
... suit le silence décisif, où chacun attend les Félicitations, Graal du doctorant, sésame de la carrière universitaire. Sans elles point de salut, elles sont le devoir des élites et le minimum requis pour obtenir un poste titulaire, la chose est à ce point évidente qu'il est à peine besoin de la formuler : on n'emmène pas en soutenance un normalien agrégé, a fortiori quand il exerce déjà comme enseignant-chercheur, si l'on n'a pas l'assurance qu'elles lui seront délivrées...
... passé un délai raisonnable de deux secondes et demie, on comprend : qu'elles ne viendront pas, qu'elles ne viendront jamais, et c'est le glas de l'excommunication qui sonne. Le silence est devenu gluant d'effroi. Des applaudissements glacés s'élèvent lentement du public, fracas clairsemé : certains choisissent de s'abstenir, d'autres battent durement leurs paumes comme on gifle l'air, en signe de désaveu. Juliette éperdue se retourne vers ce public raide comme la mort, les bras du Papa sont là tout près elle y affaisse un sanglot de fond d'entrailles - Qu'est-ce que ça veut dire ? voix basse du père qui n'ose pas comprendre. C'est fini, Papa, c'est fini.Judith Bernard, Qui trop embrasse (Stock, 2008, p. 220-221)
Ouvertement autobiographique et un peu agaçant par son style, ce récit vaut surtout par une savoureuse satire du milieu universitaire en forme de règlement de comptes : quand on sait la mascarade hautement anxiogène que c’est, une thèse, même couronnée des indispensables « félicitations du jury », on s’y amuse beaucoup.
Qui trop embrasse est le premier roman de Judith
Bernard, dont j'aimais beaucoup les interventions dans le défunt Arrêt sur images et son Big Bang Blog.
Elle est aussi comédienne dans la compagnie
ADA, pour laquelle elle a écrit une pièce, Domino (2008).
On trouve en ligne
sa thèse (et les noms des coupables).
Commentaires
le nom tournait dans ma pauvre cervelle sans faire tilt - je l'aimais bien (elle y est encore non ?) ses interventions à "arrêt sur image" pour un petit ton tranquilement acidulé.
pas sure d'avoir envie de lire le récit de ses malheurs, surtout moi qui n'ait pas eu la possibilité de faire des études et n'avait pas commencé celles la (ceci dit une situation qui semble transposable à bien des multiples épreuves de passage que chacun connait, avec le fait de s'y présenter sans appui ou face à une hostilité)
vous avez tout à fait raison, brigetoun, arrêt sur images est toujours vivant en ligne ... c'est moi qui ai décroché car j'ai une prévention concernant ce qui n'est pas gratuit en ligne et ne me suis toujours pas abonnée !