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Le rituel veut que nous nous parlions. Mais je me sens irrémédiablement séparé d'elle par cette conversation décousue que nous ne manquerons pas de tenir dans une poignée de secondes. Nous ne nous faisons plus confiance depuis longtemps. Dès le début, ce manque de confiance mutuel nous a entretenus dans une espèce de relation suspecte. Chacun de nous travestissait son passé. Il l'embellissait dans le sens souhaité par l'autre en un combat permanent. Sans vainqueur ni vaincu. Avec pour seul enjeu l'abdication réciproque de nos haines au profit d'une entente cordiale, mais distante. Un jeu d'échec où les pièces ont une valeur mensongère. Avancent masquées derrière de faux sentiments. Des faux-semblants et des non-dits qui jusqu'ici ont maintenu notre couple la tête hors de l'eau, l'asphyxiant à petit feu sans complètement l'étouffer. Ce jeu biaisé nous laisse espérer une réconciliation universelle qui n'existe que dans les contes pour enfants.

Christophe Léon, Noces d’airain (arHsens éditions, 2008, p. 58)

Une autopsie drôle et sanglante d’un (du?) mariage, un peu tirée vers la farce et le grand-guignol pour mon goût, mais le champ/contrechamp des deux monologues intérieurs (elle/lui) est très efficace.

Christophe Léon est né en 1959 ; il a publié notamment :
- Tu t’appelles Amandine Keddha (Rouergue, 2002)
- Palavas la Blanche (Rouergue, 2003)
- Journal d'un étudiant japonais à Paris (Le Serpent à plumes, 2007)