desservi par sa promo
Par cgat le mercredi 3 septembre 2008, 02:14 - écrivains - Lien permanent
Le livre de William a été publié grâce à Claude - une connaissance de chez Fayard.
Megalomaniac Panic Demence H, le livre s'appelait. Supertitre, super.
Il faisait partie du mouvement, alors, de l'autofiction. Quelque chose qui avait commencé la première fois qu'un homme préhistorique avait fait l'expérience de parler de lui-même pour se donner du pouvoir, et que personne n'écoutait déjà plus ce dont il parlait, mais qu'on le regardait parler. Quelque chose qui avait continué avec le fils de Monique, Montaigne et JJR, puis quand on s'était aperçu, nous les modernes, qu'on n'avait plus rien à dire du monde, à part soi-même, qu'on met en scène - mais moi qui, hein ? ça reste à voir, et puis qui avait fini par porter ce nom quand Serge Doubrovsky avait publié Fils en 77. Une quinzaine d'années plus tard, c'était devenu un style, le style : tant que je parle, j'ai raison, je peux mentir ou j'ai rien à dire, j'ai raison - j'ai la parole, et ça s'appelle un livre ; William allait bien là-dedans. Moi, je sais pas, c'est comme ça que Claude le présentait, c'est comme ça qu'il l'a vendu. Alors O.K.
C'était donc de l'autofiction.
Ce qui veut dire qu’il n’y a pas d’histoire, il y a un discours. C’est quelqu’un qui parle, et on le regarde parler. Bon. O.K., qui parle ? (…)
C'est le genre de livre, vous n'avez aucune idée de ce qui peut les rattacher au monde qui les entoure, à la réalité - et pourtant ils existent, dans le monde. Certainement pas bon, même pas mauvais. Comme un mal de tête puissant, et un objet très laid, mal foutu, inutile, mais bon, qui prend pour un jour ou deux une place gigantesque dans votre vie, et ça vous ne pouvez pas le nier. (p. 135-136 et 139)Mais il y a bien des manières fidèles d’être traître, et des manières bien traîtres d’être fidèle.
On peut ne pas faire le bien, on peut ne pas faire amoureusement l’amour, et on peut ne pas méchamment faire le mal. Rien de ce que l’on fait n’assure de la manière dont on le fait, ni de ce qu’on est – vous l’avez vu. (p. 303)Il y a des êtres humains dont toute la valeur, toute la vie, est à l'intérieur, et il n'y a bien sûr aucun autre moyen de le vérifier, de le mesurer, de savoir s'ils sont potentiellement extraordinaires, ou médiocres, que de vivre en leur compagnie. Absents, lointains, ou morts, il ne reste vu de dehors rien de ce qu'il y avait de meilleur en eux : la possibilité, le doute incessant qu'ils soient bien plus, en fait, qu'ils ne sont.
Les êtres humains dont toute l'importance est exhibée, sous forme de faits, de réalisations, de discours parce qu'ils parlent, parce qu'ils agissent et qu'ils travaillent - la mort ne leur ôte guère ; et il me semble de plus en plus que tout ce que j'ai pu admirer dans le monde, idées, œuvres, actes et vies, a dû provenir d'hommes opportunistes, que j'aurais pu côtoyer, dont la plupart m'auraient été indifférents et dont les occasions, bien saisies, ont fait des sortes de génie, en tout genre. (p. 305)Quant à la meilleure part des hommes qui la gardent dans leur cœur, faute de mieux, jusqu’à la dernière heure, elle vit mais aussi elle meurt avec eux. (p. 306)
Tristan Garcia, La meilleure part des hommes (Gallimard, 2008)
Ce n’est pas tout ça ! c’est bien beau d’affirmer que je lis vite, encore faut-il le prouver en évoquant les livres de la rentrée littéraire dont on parle ... puisque d’après Anne-Sophie Demonchy c’est nécessaire pour qui veut « survivre sur la toile » !
Le premier roman de Tristan Garcia, né en 1981 à Toulouse, normalien tout à fait charmant, désireux de « faire un livre le plus loin de (lui) possible » pour éviter à tout prix l’autofiction, et s’intéressant à la SF, est me semble-t-il totalement desservi par sa promo.
Car les critiques dithyrambiques (ici, là, là, là ou encore là) d'une presse qui s'est peut-être contentée de lire le dossier à elle destiné et crie au « génie » ou à « la révélation de la rentrée », en rendent la lecture décevante, alors même qu'elle est plutôt agréable, souvent drôle, que le portrait de Leibowitz (qui ressemble fort à Finkielkraut) est savoureux, et celui de Willie (qui rappelle fort Guillaume Dustan) très émouvant.
Je serais donc plutôt d'accord avec les avis plus partagés que j’ai pu lire dans les blogs, ici ou là, par exemple.
Commentaires
j'ai entendu, à la radio, un entretien de l'auteur (il y a plusieurs jours déjà). J'ai trouvé pour ma part son propos très juste et mesuré, sur ce livre mais aussi sur la fonction de l'écriture et celle de ses désirs (ou envies) de produire "aussi, pourquoi pas..." des écrits de (science) fiction.
Je n'ai pas encore lu ce livre (je suis très, très lent!!) mais ce qui en était dit par les critiques, à l'antenne, sur les rapports historiques et sur les qualités d'écriture donnait plutôt envie de le faire.
De là à parler de révélation, je ne sais pas (et pour cause): pour l'instant je relis Pinget.
Les blogs ont vraiment un rôle à jouer... Pour le moment, et bien avant la rentrée, on soufflait dans le milieu que le livre de Tristan Garcia serait l'événement de la rentrée. Depuis, on crie au chef d'oeuvre. Finalement dans la zone, on lit ici et là que c'est pas mal, mais pas aussi génial que prévu...
... en effet, c'est néanmoins un auteur qui mérite d'être suivi (il a plein de projets amusants) et un livre qui vaut la peine d'être lu : lisez-le (à votre idiorythme !) et donnez-nous votre avis