Je n'ai rien inventé, l'argot est bien souvent composé de vieux mots, par exemple appeler le père le daron, aujourd'hui il n'y a que les jeunes qui osent le faire, mais ça date d'avant les pharaons...
Et puis à la campagne, c'est vrai qu'on associe sans complexe un vocabulaire du cru à une langue plus moderne, on prend tout, un gamin de quinze ans peut dire : « vingt dieux comment ça déchire ». Ces vieilles expressions, qui ont toujours été là pour nous, on les utilise sans y penser. Moi je dis souvent « vingt dieux », et quand j'ai commencé à rencontrer des gens de la ville, ils rigolaient.
Cette langue que j'ai travaillé, je tenais à ce qu'elle ne limite pas le récit par des codes générationnels trop puissants, d'ailleurs le « parler jeune » m'agace, les « carrément », « à la base », « grave »... alors de la même manière que l'on dit de deux frères capricieux qu'il faut en prendre un pour taper sur l'autre, j'ai tapé des sales mots sur d'autres sales mots, et j'ai obtenu toutes ces salopes de phrases et on a fait l'amour comme des tarés des nuits entières, des années, et j'en ai bien profité, je me suis régalé.

déclare Pierric Bailly, né en 1982, dans un autre entretien avec Daniel De Almeida (fluctuat.net) à propos de son premier roman Polichinelle (POL, 2008).

Polichinelle semble d’abord écrit dans une langue étrangère, un mélange de patois et d'argot, qui, au fil de la lecture, devient familière et prenante, pleine de tension, d’énergie, de raccourcis, une langue impossible à citer ; pour se faire une idée de cette « petite musique » très singulière, de longs extraits ici (les premières pages), ou .

::: « Du jour au lendemain » avec Alain Veinstein (26 août 2008)