Je viens de déménager encore une fois, encore une fois je suis séparée de mon lieu, après avoir organisé la destruction de mon intérieur que constitue un déménagement. Symptomatiquement on ne retrouve rien, c'est prémonitoire de la réalisation qu'on ne retrouvera rien, effectivement, de ce qui nous a contenu, que le temps, le hasard et la chance avaient permis d'agencer, le croisement que les objets font entre eux et qui, maintenant ruiné, ne se reconstituera pas. On le réalise en regardant atterré les premiers coups de pioche qu'on met dedans, cela avec la fureur des assassins, ouvrant et scotchant des cartons et prenant à pleine main cette harmonie pour la désarticuler. On réalise en ouvrant ses colis qu'il n'y est plus, l'endroit qu'on aimait, et quelque raboutage qu'on organise, il n'y sera plus, et il faudra à nouveau tout ce temps, ce hasard, cette disponibilité à la chance, pour que quelque chose se refasse du bonheur intérieur.

(...)

Ressortaient des cartons ce qui était des objets, c’est-à-dire rien. (Et les livres, les transporte-t-on avec leur ivresse ?)

Jane Sautière, Nullipare (Verticales, 2008, p. 33 et p. 36)